Une partie du dernier VMC (2) de septembre 1991 est consacrée au nouveau directeur d’usine de Reims, Joël Haye, ingénieur de 51 ans, formé aux Arts et Métiers de Lille et qui a mené l’intégralité de sa carrière dans la métallurgie (ASCOMETAL de Fos/mer et Saint-Etienne). Il a choisi VMC parce que « VMC est une filiale du groupe BSN et par ce biais véhicule l’image d’un groupe structuré et économiquement puissant, mais aussi parce que VMC en tant que verrerie appartient au secteur de l’Industrie Lourde et s’apparente à la sidérurgie ». Il ajoute « les hommes qui la composent possèdent à la fois la fierté de leur métier et un fort esprit d’équipe ».
VMC est dirigée par un Président Directeur Général et un Conseil d’Administration. À Reims il y a un directeur d’usine qui met en pratique les grandes orientations, secondé par des directeurs techniques ou chefs de service (marketing, logistique, approvisionnements…). Quand l’usine de Reims fusionne en 1986 avec celle de Rive-de-Gier et celle de Givors, le siège social et le directeur général des 3 usines sont à Reims. En 1988, le PDG est Maurice Papon, le fils du fondateur, pas encore poursuivi par la justice ; Claude Feltrin est le directeur général de la société VMC et Gérard Lotzer est le directeur de l’usine de Reims. Le PDG vient une ou deux fois à Reims, en particulier lors des remises de médailles du travail. Celles-ci se font généralement dans une maison de Champagne prestigieuse, le 1er décembre 1989, cette remise a lieu dans les caves Pommery en présence du PDG Maurice Papon, du Directeur Général Claude Feltrin, et des différents directeurs de VMC. Le 14 décembre 1990, quatre-vingt-deux personnes sont médaillées dans les caves Besserat-de-Bellefon.
Cet esprit familial s’est un peu atténué lors de l’entrée dans le groupe BSN en 1985. En effet, du point de vue humain, la fusion a été vécue par l’usine de Reims, bastion du syndicalisme CGT, comme l’arrivée dans l’équipe dirigeante d’hommes de BSN avec une culture industrielle de groupe différente de celle de l’entreprise familiale VMC. Finalement, VMC se met à l’école BSN en matière de politique sociale : formations assurées dans le groupe, mutations inter-sociétés au sein du groupe, aide technique de la branche emballage de BSN pour les nouvelles installations… La promotion interne fonctionne. En 1989, le personnel exploitant côté froid démarre une formation qui les amènera à mieux comprendre l’ensemble du fonctionnement de leurs installations. Cette formation devait se calquer à terme sur un référentiel de CAP par unités capitalisables… Les ouvriers suivent des cours du soir et obtiennent des promotions. Certains commencent très jeunes avant même le service militaire. Ainsi Jean Mansuy est rémunéré durant celui-ci s’il passe régulièrement à l’usine lors de ses permissions. Il a une formation d’électromécanicien mais est engagé comme électricien en bâtiments en 1946 ; il « s’adapte » comme il dit et il fera toute sa carrière dans l’entreprise((Entretien avec Jean Mansuy en juillet 2020)).
La concertation fonctionne régulièrement : au cours de l’année 1990, un groupe de travail constitué d’opératrices et du responsable de l’atelier a conçu un nouveau système de convoyeur qui peut s’adapter de la terrine 200 grammes au bocal 2 litres. Une fois le cahier des charges établi, le bureau d’études détermine les travaux et effectue un devis. Puis après un mois d’essai, quelques modifications sont apportées à la demande des opératrices((VMC(2) n°22, juin 1991)).
Autre exemple : à l’initiative des ouvriers, l’installation d’un lève-sacs à aspiration dans l’atelier préparation des « petits mélanges » permet de baisser le nombre d’accidents du travail. Le métier de verrier est un travail à risques. Ceux-ci sont liés aux manutentions, au problème de la poussière (les ouvriers sortent noirs de poussière), à la surdité. Dans les années 80, les ouvriers glissaient des cotons dans leurs oreilles, avec le temps des casques anti-bruit ont été fournis. Le port du casque est devenu obligatoire à proximité des machines les plus bruyantes en 1987. Une cabine vitrée insonorisée près des machines permet de s’isoler un peu et se rafraichir((Témoignage du docteur M. Dessery en février 2020)).
Les machines ont besoin de graisse pour tourner régulièrement et le sol devient vite glissant, les chutes sont donc fréquentes, mais aussi les brûlures d’où l’existence d’un service médical.
Un autre fléau était la chaleur : sur la voûte des fours il faisait très chaud et des pauses fréquentes étaient obligatoires pour les « maçons-fumistes ».
Des exemples d’accidents sont répertoriés dans les documents syndicaux : une coupure à travers le gant due à une chope coincée dans la roue à étoiles, l’éclatement d’un ongle d’auriculaire pris dans une porte, un problème de lombaire suite à un faux mouvement en glissant sur un marchepied, une coupure en retirant un verre coincé dans une palette, etc. Autre exemple de danger : si une machine est en panne sous un filaire où coule le verre, le verre continue à couler et cela peut provoquer un incendie d’où la présence d’une équipe de pompiers.
Un PAS (Plan d’Action Sécurité) est engagé en 1990. Gérard Lotzer, le directeur, a présenté les objectifs et les axes principaux aux membres de l’encadrement. Ils sont repris sur la plaquette PAS remise par l’encadrement à tout le personnel.
Une liste des produits chimiques utilisés dans l’usine et potentiellement dangereux est élaborée par le CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail), l’agent de sécurité Jean-Claude Vasseur et le docteur Elisabeth Dagbovie. Un ingénieur sécurité surveille les fours, les manœuvres, les travaux même lorsqu’ils sont faits par une entreprise extérieure car avec le temps certaines tâches sont externalisées. M Vasseur, agent logeant près de l’usine et ayant la confiance de la direction, fut longtemps chargé de la sécurité et a gardé beaucoup de photos de tous les petits problèmes techniques. En retraite, il loge toujours près de l’usine et a du mal à imaginer le jour où il ne verra plus le logo rue Pierre Maitre.
L’esprit d’entreprise se manifeste dans les activités de loisirs et les animations. Une équipe de foot joue tous les samedis dans les années 1990 ; des équipes de pêche participent à des concours plusieurs fois par an. Les rencontres font l’objet d’une information sur les panneaux VERMECA (nom de l’association sportive de l’entreprise).
Le samedi 19 novembre 1988, une soirée loto est organisée par VERMECA SPORTS et réservée au personnel VMC, familles et amis.
Lors de la saison 1990-1991, VERMECA finit deuxième du Championnat de la Marne de football en 1ère série. L’équipe a également remporté la coupe de la Marne (Coupe Jacquot). Les verriers participent à des marathons, les noms et classements paraissent dans le journal d’entreprise. En octobre 1991, quatorze personnes de l’usine ont participé au deuxième marathon de Reims.
D’autres concours sont évoqués dans journal VMC comme le concours inter-usines de boules lyonnaises à VEAUCHE (à une quarantaine de kilomètres de Rive-de-Gier et une cinquantaine de Givors), des exploits individuels sont aussi mis à l’honneur : Robert Baube participe à des rallyes régionaux. Sa voiture est sponsorisée à partir de 1989. Il finit 24ème sur 107 concurrents à la finale nationale des rallyes régionaux.
Le 4 septembre 1990, deux caristes de VMC ont défendu les couleurs de l’entreprise lors du championnat annuel des caristes, l’un a fini 5ème et l’autre 11ème. Le journal VMC et certaines de ces manifestations entretiennent le lien avec Rive-de-Gier et Givors en plus des échanges de techniciens. En septembre 1989, c’est la distribution organisée au magasin de vente au personnel de 2 pots de confiture Materne, emballage fabriqué à l’usine de Givors et primé aux Oscars de l’emballage en 1990.
Sommaire du dossier
- Il était une fois VMC : une verrerie du XX° siècle (introduction)
- L’entreprise sait tirer parti des techniques anciennes qu’elle améliore
- VMC investit continuellement pour suivre l’évolution des techniques, satisfaire le goût des clients, limiter la pollution
- Des produits connus et vendus dans le monde entier
- VMC crée, fabrique, entretient machines et locaux, une vraie petite ville industrielle
- Un travail difficile, un fort esprit d’équipe
- Forte présence syndicale, CGT en particulier
- Évolution de l’entreprise
- En conclusion, une évolution symbolique de la marche vers la désindustrialisation, des traces de ce patrimoine à conserver ?
- Bibliographie et sitographie