Les vitraux Majorelle au Siège des Aciéries de Longwy, Longlaville (Meurthe-et-Moselle)

Verrières de présentation de l’ensemble de l’usine avec les hauts-fourneaux. 1865, date de création des premières usines du groupe – 1928, date de l’inauguration des Grands bureaux. Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC
Les Aciéries de Longwy

Après la perte de l’Alsace-Moselle suite à la défaite des armées françaises en 1870, les régions industrielles de l’actuel département de la Moselle passent sous le contrôle de l’Allemagne, notamment la région d’Hayange avec ses nombreuses forges et usines sidérurgiques.

À côté de ces pertes, les régions françaises de la Lorraine, en Meurthe et Moselle actuelle, vont connaître un vif essor  industriel après 1870 en utilisant particulièrement le minerai lorrain « la minette » abondant dans le sous-sol.

Dans la région de Longwy, plusieurs industries métallurgiques apparaissent vers 1865.
1880 est la date de la création de la Société des Aciéries de Longwy qui regroupe l’Usine du Prieuré, l’Usine du Port-sec à Mont-Saint-Martin, s’y ajoutent en 1881 les hauts fourneaux de Moulaine. Parmi les Maîtres de forge locaux qui organisent cette fusion on trouve le nom de Robert de Wendel. Cet industriel va céder en 1880 à cette nouvelle société la licence du procédé Thomas qui va permettre d’éliminer le phosphore que contient la minette lorraine.

Carte de localisation des aciéries de Longlaville-Mont-Saint-Martin en 1908. Extrait de l’ouvrage à l’occasion du 50e anniversaire de la fondation des Aciéries de Longwy – Illustrations de Grosjean, Peltier et Scherbeck – 1930

La découverte du  convertisseur Thomas en 1877 au Royaume-Uni par Thomas et Gilchrist, est un procédé d’affinage de la fonte brute qui permet d’éliminer le phosphore de la fonte  lors de son affinage en acier. L’intérieur de la cornue du convertisseur est revêtu de briques de dolomie basique, insensible à l’action de la chaux ajoutée lors de l’opération d’affinage. De la fonte brute on obtient un acier purifié et des scories phosphoreuses utilisées comme engrais par l’agriculture.


Planche représentant le convertisseur Thomas en action.
Extrait de l’ouvrage publié à l’occasion du 50e anniversaire de la fondation des Aciéries de Longwy

Illustrations de Grosjean, Peltier et Scherbeck – 1930


Dans son ensemble le groupe de la région de Longwy, outre les industries des Aciéries de Longwy, comprend  également d’autres usines : de la Chiers, de Rehon et d’Herserange…

Ainsi, la vallée de la Chiers et de ses affluents dans la région longovicienne se couvrent dans la seconde moitié du XIXème et au XXème siècle d’un manteau de forges et d’usines produisant fonte, aciers et produits finis.

De 1880 à 1930, les Aciéries de Longwy connaissent plusieurs évolutions en fonction de la conjoncture technologique et économique :

  • installation des aciéries et des laminoirs (1880-1908) – Four martin en 1890
  • période de modernisation (1909-1914)
  • période de guerre (destruction, spoliation)
  • reconstitution de l’après-guerre 14.

En 1930, les Aciéries de Longwy fêtent le cinquantième anniversaire de leur fondation et publient un ouvrage qui retrace les grandes  évolutions de la  technique et de la production de la société. Après la Seconde guerre mondiale, en 1952 le groupe de la région de Longwy  fournit 26% de la fonte lorraine et 27% de son acier, productions qui montrent son importance dans la région de la Lorraine.

Maquette de l’usine sidérurgique avant sa fermeture en 1978. Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC

Cette société suivra par la suite les évolutions de cette branche industrielle, notamment celle de la concentration des firmes sidérurgiques françaises dans le second XXème siècle (1953 : fusion dans la fondation Lorraine-Escaut ; 1966 : absorption par USINOR). 1978 : fermeture des Aciéries de Longwy.

Les vitraux Majorelle

Les Grands bureaux des Aciéries de Longwy sont l’ancien siège de la Société et se situent dans la commune de Longlaville.

Ce bâtiment inauguré en 1928 est conçu par l’architecte Pierre Bourgeois dans le style Art déco.

Vingt-sept verrières vont être installées dans l’escalier monumental des Grands bureaux retraçant les paysages industriels et chacune des étapes de la production : du minerai à la fonte puis  de l’affinage en acier à sa transformation dans les laminoirs.

Travail dans l’aciérie : refroidissement de briques réfractaires ou de lingots d’acier… Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC
Coulée de la fonte en fusion. Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC
Louis Majorelle

Ces 27 verrières sont un travail de commande à l’initiative des nouveaux propriétaires du bâtiment des Aciéries de Longwy qui font appel aux ateliers Majorelle pour réaliser ces vitraux dans le style Art déco.

Indication de la mention « Majorelle – Nancy » à la base des vitraux. Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC

Louis Majorelle est un ébéniste décorateur nancéien (1859-1926). Il est un des membres fondateurs de l’École de Nancy en 1901. Initié à l’Art nouveau par Emile Gallé, il collabore avec les verriers notamment les frères Daum même si son travail porte davantage sur l’ébénisterie puis plus tard sur la ferronnerie d’art.

Les meubles Majorelle tirent leurs sources d’inspiration dans les éléments de la nature : plantes, insectes… Louis Majorelle est récompensé à l’Exposition universelle en 1900 pour ses productions. Son intention est de travailler à Nancy avec d’autres industriels pour la fabrication d’objets d’Arts décoratifs de haute qualité. Sa renommée est importante en France et à l’étranger.

À partir de 1925 les ateliers  Majorelle vont dessiner leur unique série de vitraux pour la Société des Aciéries de Longwy. Après le décès de Louis Majorelle en 1926, Alfred Lévy, employé depuis 1888, peintre de formation, prend en charge la réalisation de ces vitraux mis en œuvre par les ateliers. Ces verrières seront installées dans les Grands Bureaux (actuellement centre de formation de Mont-Saint-Martin) en 1928, deux ans après la mort de Louis Majorelle.

Dans le style Art déco

L’Art déco débute vers 1925. Dans le vitrail l’accent est mis sur des lignes fortes, avec des figures géométriques, en zigzag voire en chevron et des motifs stylisés.

Ici, les motifs représentés sont ceux de « l’homme du fer au travail ». Même si dans leurs travaux les hommes sont vêtus en bleu de travail avec dessus un tablier de protection en cuir, ils sont ici figurés torses nus « à l’Antique » pour les glorifier en mettant en valeur les efforts physiques, leurs musculatures ainsi que leurs beaux gestes professionnels. Une forme de reconnaissance symbolique sur un fond de paysages d’usines entremêlant hauts-fourneaux, convertisseurs, coulées de métal… dans le rayonnement de l’incandescence de l’usine, dans une éblouissante palette de verres colorés.

Dans cet escalier monumental on distingue sur les différentes verrières telle une bande dessinée :

  • Au niveau du premier palier (à l’entresol : l’usine des Aciéries de Longwy, avec en arrière les hauts-fourneaux ;
  • Au second palier : l’aciérie en fonctionnement avec le convertisseur et les laminoirs ;
  • Au troisième palier : le haut-fourneau et la fonte liquide de la coulée de métal ;
  • Au dernier palier : les fumées d’usines dans un style abstrait et répétitif.

Ces « Vitraux Majorelle » sont classés aux Monuments Historiques. Il est possible de les visiter, contact à l’Office du tourisme du Pays de Longwy.

Convertisseur en action, les ouvriers manipulent des briques réfractaires. Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC
La fonderie. Trou de coulée sortant du haut-fourneau. La fonte liquide suit un chenal tracé dans le sable ainsi que ses dérivations latérales vers les poches de coulée. Après refroidissement on extrait des morceaux de fonte appelés « gueuses ». Les hommes munis d’un ringuard attaquent les bouchons de terre réfractaire qui peuvent boucher le trou de coulée. Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC
Fonderie : prélèvement pour analyse du métal pour contrôler sa qualité. Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC
Trou de coulée au pied du haut-fourneau. Extrait de l’ouvrage publié à l’occasion du 50e anniversaire de la fondation des Aciéries de Longwy – Illustrations de Grosjean, Peltier et Scherbeck – 1930
Train transportant en tonneaux la fonte à l’état liquide à l’aciérie pour être versée dans les mélangeurs puis le convertisseur Thomas pour l’affinage. Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC
Laminoirs chargés de transformer les lingots d’acier en profilés. Noter la richesse de la palette des verres colorés. Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC
Représentation des fumées des usines. Art déco. Grands bureaux des Aciéries de Longwy, Longlaville – Cliché APIC