Cette entreprise qui ferme sans avoir atteint ses cent ans était une entreprise dynamique qui a su suivre l’évolution des habitudes de consommation qu’elle a parfaitement accompagnées. Au salon des Arts Ménagers de Paris du 13 au 16 janvier 1989, les produits VMC les plus récents sont mis en évidence et une animation spéciale autour de la vaisselle micro-ondes((Les tout premiers fours micro-ondes sont mis en service en 1965, ce n’est que dans les années 1980 qu’ils se démocratisent)) est organisée((VMC (1) de février 1989, n° 9)).
Le four est l’âme de l’entreprise et lorsque le dernier four s’est arrêté, c’est un grand silence qui s’est abattu sur les environs, en particulier sur la commune de Saint Brice Courcelles : les habitants étaient habitués au ronronnement du four jour et nuit car le four ne devait pas s’arrêter.
L’entreprise s’apparentait à une petite ville industrielle, en plus des verriers qui travaillaient à la fusion, à la production du verre et la fabrication des objets, du service marketing, il y avait un important service d’entretien avec peintres, menuisiers, mécaniciens mais aussi des ouvriers à la Moulerie car l’entreprise recevait la fonte brute et façonnait les moules. Une vraie ruche avec ses risques…
L’entreprise ne recouvrait pas la seule activité de fabrication du verre. Grâce à une bonne connaissance des goûts et des besoins des consommateurs, elle avait la volonté d’offrir, en même temps qu’une gamme de produits la plus étendue possible, une assistance technique aux petits et moyens clients industriels comme le prêt de machines pour des essais de conditionnement, ou l’aide pour les contacts avec les capsuleurs, les fabricants d’étiquettes…
Entreprise à capitaux nationaux puis internationaux, VMC fonctionnait un peu comme une entreprise familiale par le recrutement de ses salariés. On y travaillait en famille, avec le frère ou la sœur, l’épouse ; les enfants y travaillaient lors de vacances ; on y allait même en promenade le dimanche à l’époque où il n’y avait ni télé, ni téléphone portable, ni grands magasins ouverts ! Les dirigeants avaient des liens de parenté comme les Morel que l’on retrouve dans des postes à responsabilité sur trois générations : Pol Morel venu de Fains-les-Sources dans la Meuse chez VMC, puis Pierre Morel Directeur Général jusqu’en 1964 qui a deux fils, Jean, Directeur Technique au Bureau d’Étude et Recherche et Pol (même prénom) Directeur Commercial jusqu’en 1986. Les petits-enfants Morel ont travaillé chez VMC un mois pendant l’été en qualité d’étudiants. À l’époque dans les années 1975, la verrerie embauchait plus de 300 étudiants l’été. Paul Champenois qui succède à Pierre Morel était le père de Mme Lotzer et donc M. Lotzer directeur de l’usine de Reims est aussi en famille.
Les documents ainsi que les interviews d’anciens directeurs, chefs de fabrication, ouvriers… montrent que l’usine tournait au maximum. Les investissements étaient importants, la concurrence rude. L’ambiance était bonne même si le travail était pénible. Le « boulot était dur mais tout le monde venait avec plaisir ». « On était fier d’être chez VMC, une vraie famille ». En avril 1990, le nouveau directeur des Relations Humaines et Sociales disait « VMC est une société toute récente même si les hommes de ses trois établissements sont porteurs de longues traditions verrières ». Pour lancer et accompagner les évolutions technologiques, VMC misait sur les hommes en développant largement la formation, la promotion interne, la communication. On les écoutait et faisait appel à leurs idées pour apporter des améliorations techniques. Pour satisfaire les clients et anticiper les besoins des marchés, la politique de recherche et développement portait tant sur la résistance du matériau, la valorisation du verre, l’amélioration des procédés, que sur l’utilité et la beauté. Les productions ont non seulement suivi voire devancé les goûts de l’époque mais à voir les milliers de produits crées chez VMC, on ne peut qu’être d’accord avec l’idée de Proudhon qui ne fait pas de différence entre la création artistique et la création industrielle. Le verrier transforme un banal mélange de soude et de sable en une pâte de verre prête à prendre toutes sortes de formes. Les verriers de VMC en faisaient même pour leur propre plaisir lors des pauses !
Ainsi grâce à son savoir-faire, sa puissance industrielle et sa position sur les marchés, VMC a exporté dans plus de 80 pays. Des bureaux, des attachés commerciaux, agents répartis sur cinq continents et un service logistique efficace permettaient d’assurer des livraisons fiables, en temps voulu dans le monde entier. VMC a résisté jusqu’en 2009 à la mondialisation en licenciant, améliorant sans cesse l’outil de travail, en particulier l’outil informatique qui alliait tradition et savoir scientifique.
L’évolution de VMC reflète un peu les trends du XX° siècle : période de prospérité, d’optimisme des débuts du siècle suivie des difficultés dues aux guerres, à la crise pétrolière de 1973-74 puis à celles de la décennie 1980 suivies de l’espoir des années 1990. L’expansion de la mondialisation se traduit par l’entrée dans des groupes de plus en plus gros BSN, puis Danone, et enfin Owens Illinois Manufacturing… La réduction des coûts de production pour limiter la concurrence de pays à moindre coût de main d’œuvre n’a pas été suffisante. La réduction drastique des effectifs dans les années 1990 n’a pas suffi à maintenir cette usine dans la course au profit capitalistique. Les bâtiments même repeints vieillissent et dégradent ainsi l’image de VMC. Pourtant les équipements sont encore modernes jusqu’en 2000, mais OI se désintéresse de cette usine devenue trop petite. Peut-être signe d’une fermeture programmée, jamais le sigle OI ne s’est inscrit sur la façade !
Le souvenir de cette entreprise reste vivace, le succès de l’exposition à l’origine de cette communication le prouve. Il semble donc indispensable de pérenniser dans notre patrimoine local les traces de VMC.
Sommaire du dossier
- Il était une fois VMC : une verrerie du XX° siècle (introduction)
- L’entreprise sait tirer parti des techniques anciennes qu’elle améliore
- VMC investit continuellement pour suivre l’évolution des techniques, satisfaire le goût des clients, limiter la pollution
- Des produits connus et vendus dans le monde entier
- VMC crée, fabrique, entretient machines et locaux, une vraie petite ville industrielle
- Un travail difficile, un fort esprit d’équipe
- Forte présence syndicale, CGT en particulier
- Évolution de l’entreprise
- En conclusion, une évolution symbolique de la marche vers la désindustrialisation, des traces de ce patrimoine à conserver ?
- Bibliographie et sitographie