L’entreprise se caractérise dans la région par la forte présence syndicale qui participe à l’esprit d’entreprise, l’amélioration des conditions de travail en parallèle avec la réflexion de l’encadrement et l’évolution de la législation nationale.
Les luttes syndicales sont nombreuses. Dans le dossier des Archives Communautaires et municipales composées presque exclusivement d’articles de journaux, l’image de VMC se superpose aux conflits((Articles de journaux archivés aussi et mis aimablement à notre disposition par Jean-Claude Vasseur, agent de sécurité)). Alors comment imaginer une entreprise sans cesse en conflit tout en étant performante sur le plan industriel ?
En 1977, ce fut une semaine de grèves pour l’obtention du 13ème mois, de l’amélioration des conditions de travail et en protestation contre le licenciement de deux employés qui ont distribué des tracts politiques à l’entrée de l’usine. Ce mouvement est dans toutes les mémoires du fait de l’assassinat de Pierre Maître, un ouvrier qui participait au piquet de grève.
C’est le dimanche 5 juin qu’une rafale de balles frappe le piquet de grève installé devant l’usine. Trois militants de la CGT sont touchés. Pierre Maître, blessé à la tête, décède à l’hôpital. Le commando à l’origine de cette fusillade avait été repoussé la veille alors qu’il s’attaquait à une banderole apposée sur les grilles de l’usine. Les hommes qui le composaient étaient des surveillants du personnel de l’usine Citroën de Reims, adhérents de la Confédération Française du Travail (CFT) mais aussi du Service d’Action Civique (SAC), dissout en 1982. L’élection d’un maire communiste en mars avait incité le patronat à stopper la contestation. La direction de VMC avait licencié deux syndicalistes le 27 mai d’où la grève début juin((Le Monde du 10 mars 1980 informe : « Aujourd’hui, seul M. Claude Leconte, l’auteur des coups de feu, membre de la C.F.T., est en prison. Il est inculpé d’assassinat et de tentatives d’assassinat. Inculpé de complicité, M. Henry Mangematin, qui conduisait la voiture de laquelle Leconte fit feu, est en liberté depuis le 16 janvier 1978. La chambre d’accusation de la cour d’appel de Reims devrait prochainement statuer sur le renvoi des deux inculpés devant la cour d’assises de la Marne »)).
Cet assassinat qui a un fort retentissement national et rémois marquera la culture de l’entreprise jusqu’à sa fermeture et au-delà. Aujourd’hui encore, chaque 7 juin une gerbe est déposée au pied de la stèle installée devant l’usine.
En novembre 1981, c’est la mise au chômage partiel de plus de 1000 personnes sur les 1635 salariés de la société qui inquiète les ouvriers. Pour la CGT, ce chômage partiel est injustifié et augmente la charge de travail puisque le tonnage produit reste le même.
Une alerte à la bombe le 8 décembre 1983 interrompt quelques heures les négociations, des syndicalistes CGT retiennent dans son bureau le directeur de l’usine libéré vers 23h.
En 1985, la fusion avec les verreries de Givors et Rive-de-Gier qui font partie du groupe BSN Flaconnage est fortement contestée même si cette fusion permet la construction d’un nouveau four. Ce four est vu comme « le four de l’espoir ». Le traditionnel meeting du 1er mai, organisé par les Unions locales CGT se déroule devant VMC : un des mots d’ordre est le refus de la flexibilité et la lutte contre le non-respect des droits et libertés syndicales.
Le redressement économique de VMC amorcé en 1982 avec l’arrivée de nouveaux associés dans le capital se poursuit . L’entreprise se modernise, est plus compétitive mais le revers de la médaille est, en 1987, un plan social d’accompagnement avec suppression de 178 emplois à Reims (environ 10% des effectifs). Le plan proposé par le comité central à Paris et les comités d’établissement le lendemain est rejeté par la CGT mais discuté par les autres syndicats.
Les organisations syndicales signent le 15 juin 1989 un accord d’intéressement. En décembre, le journal de l’entreprise donne une estimation de ce dont pourrait bénéficier un salarié : pour un salaire de 6000 F brut mensuel, 1500 F d’intéressement, pour 12000 F, 2060 F d’intéressement… Le petit journal d’entreprise Verre Mensuel Communication de mai 1990 fait sa première page sur l’intéressement ; il en rappelle les origines et livre les chiffres présentés à l’Assemblée Générale des actionnaires. Le 14 juin 1990, le chiffre d’affaires net est de 1 004 116 869 F ; le résultat d’exploitation, de 59 463 798F. Le ratio du résultat sur le chiffre d’affaires est de 5,92%. L’intéressement, de 2 795 160 F, se répartit pour moitié de façon non hiérarchisée, c’est-à-dire en valeur identique suivant le temps de présence, et l’autre moitié de façon hiérarchisée, en fonction du grade de chacun.
De juin 1989 à décembre 1991, c’est un véritable marathon judiciaire qui s’engage entre la CGT et la direction de VMC accusée d’avoir licencié la responsable CGT. Celle-ci est accusée de vol de document et deux autres salariés sont poursuivis pour faux témoignage.
En 1992, ce sont les trois unités (Reims, Givors, Rive-de-Gier) qui entrent dans le giron de Danone. Durant les années 1993-1994, 216 emplois sont menacés. Le site de Reims est le premier touché avec la suppression de 161 emplois. Cette suppression est contestée par les syndicats en raison des bons résultats de l’entreprise (plus d’un milliard de francs de chiffre d’affaires avec près de 200 000 tonnes de bocaux, de verrerie de table et de pots). En juin 1993, des élus des entreprises rémoises sont venus prêter main forte aux pré-licenciés de VMC, la CGT dénonce la « casse à ses militants ».
Le licenciement, pour cause de voie de fait, de Muguette Piniau, déléguée syndicale CGT, a mis le feu aux poudres et la voie très empruntée par les automobilistes reliant Reims à Saint-Brice-Courcelles est fermée durant 2 heures. Les tracts évoquent 25 licenciements « secs »: un homme et vingt-quatre femmes. Le 16 septembre 1993, une réunion extraordinaire du Comité d’Établissement de VMC (7 sièges sur 8 tenus par des élus de la CGT) mettra fin à l’affrontement. Suite à la volonté d’ouverture, de dialogue et de négociation de la direction mais surtout aux ventes de bocaux Le Parfait qui se maintiennent, le fonctionnement en trois équipes de 8 heures par jour et cinq équipes de 8 heures par semaine sont ouvertes au personnel féminin volontaire. Et un accord permet la pré-retraite progressive à mi-temps dès 55 ans avec 95 % du salaire.
De plus, le 22 septembre 1993, les Prud’hommes condamnent et annulent la sanction de mise à pied de quatre jours à l’encontre de Muguette Piniau qui reçoit 1401,34 F de dédommagements, les frais de justice étant imputés à l’entreprise.
En 1995, VMC dégage des bénéfices mais cela ne l’empêche pas de réduire les effectifs grâce à la modernisation de l’outil de production et au recentrage l’année d’après sur la verrerie alimentaire (pots à moutarde, confiture…) et les bocaux de conserve. Puis ce sera la lente diminution de l’activité. Les plans sociaux et les grèves se succèdent. En 2009 c’est la fermeture.
Sommaire du dossier
- Il était une fois VMC : une verrerie du XX° siècle (introduction)
- L’entreprise sait tirer parti des techniques anciennes qu’elle améliore
- VMC investit continuellement pour suivre l’évolution des techniques, satisfaire le goût des clients, limiter la pollution
- Des produits connus et vendus dans le monde entier
- VMC crée, fabrique, entretient machines et locaux, une vraie petite ville industrielle
- Un travail difficile, un fort esprit d’équipe
- Forte présence syndicale, CGT en particulier
- Évolution de l’entreprise
- En conclusion, une évolution symbolique de la marche vers la désindustrialisation, des traces de ce patrimoine à conserver ?
- Bibliographie et sitographie