Almadén, la plus grande mine de mercure du monde

Province de Ciudad Real – Communauté autonome Castille – La Manche

Almadén, qui signifie en arabe la « mine » présente un vaste parc minier qui exploite les gisements de cinabre permettant l’extraction du mercure. Les débuts de l’exploitation remontent à plus de deux mille ans. Le mercure, vif-argent, intéressait les Romains. L’exploitation de son minéral, le cinabre, sulfure de mercure (HgS), et de sa transformation dans des fours ont laissé un bel ensemble de patrimoine minier et industriel qui a évolué au fil du temps.

Vue aérienne du Parc minier d’Almaden réaménagé – © Parc minier Almadén – Cliché APIC, 2015

Cinabre et mercure

C’était la plus ancienne et la plus grande mine de mercure du monde. De l’époque romaine à la fin de l’exploitation en 2003, environ 250 000-300 000 tonnes de mercure y ont été extraites.

Actuellement les mines d’exploitation abandonnées atteignent une profondeur de 700 mètres sous terre. Au cours des siècles d’exploitation, les mineurs travaillaient de plus en plus profond suivant les veines de cinabre découvertes. On travaillait le cinabre qui contient le mercure ainsi que la pyrite, la calcite et le quartz. Géologiquement, les gisements d’origine hydrothermale font partie d’un ensemble volcano-sédimentaire (localisées dans les phyllades et les quartzites siluriens) de l’époque de l’ère primaire.

Coupe schématique des puits et des galeries de mines de cinabre. En haut, à gauche, la partie grise correspond à la zone de mise en valeur à l’époque des Fuggers – © Parc minier Almadén – Cliché APIC, 2015

Au cours de son exploitation, vu son intérêt économique et stratégique, la mine fut la propriété des Empereurs romains, des rois d’Espagne. Aux XVIe et XVIIe siècles la mine fut confiée aux Fuggers, banquiers allemands. Au XIXe siècle la banque Rothschild investit des fonds dans cette entreprise.

La teneur en mercure du cinabre était de 2 à 3% en 2003, de 20% au XIXe siècle selon la richesse des filons exploités. Le poids de mercure produit au cours de la période totale d’exploitation a été historiquement, près d’un tiers du mercure mondial extrait. En 1941, en pleine guerre, on atteint une production annuelle de 82 000 flasques (flacons de 34,5 kg) de mercure.

Le minerai de cinabre en agrégats grenus variant du rouge écarlate au rouge foncé. Les Romains en tiraient un pigment pour donner le rouge pompéien – © Parc minier Almadén – Cliché APIC, 2015

Une fois sorti de terre, le minerai de cinabre était chauffé à 700°C sur place dans des fours. Le mercure vaporisé était recueilli dans des batteries cylindriques en terre cuite refroidies à l’eau. C’est un métal lourd, liquide aux températures ordinaires et un agent chimiquement polluant et dangereux pour la santé humaine.

Le nombre de puits d’extraction du mercure dans le monde étant limité notamment en Europe (Almadén et Idrija en Slovénie, découverte en 1490 et fermée en 1993), ces mines eurent très vite un intérêt stratégique au plan international. Il fut renforcé dès les Temps modernes par leur rôle majeur dans l’exploitation des mines d’or (amalgamation de l’or) et d’argent du Nouveau monde récemment découvert.

Un vaste réseau de routes permettait d’acheminer par transports terrestre le mercure jusqu’au port de Séville pour son exportation vers les Amériques.

Les routes de transport du mercure d’Almaden vers Séville pour son exportation aux Amériques – © Parc minier Almadén – Cliché APIC, 2015

La mine et ses mineurs

Les conditions historiques d’extraction dépendent du recrutement des mineurs. Les conditions de l’extraction sont très difficiles et dangereuses : température élevée des profondeurs, risques d’éboulement dans de petites galeries. Par ailleurs, il était nécessaire de mener un travail d’exhaure pour évacuer l’eau abondante dans le sous-sol. Un système de pompes actionnées par la force humaine renvoyait d’étage et en étage l’eau vers la surface. Ce travail était épuisant et décimait les travailleurs. La remontée du minerai extrait se faisait par des treuils qui mobilisaient également la force des hommes.


Croquis montrant le système d’exhaure pour évacuer en surface les eaux souterraines par la force humaine – © Parc minier Almadén – Cliché APIC, 2015

Des conditions pénibles et risquées pour les mineurs – © Parc minier Almadén – Cliché APIC, 2015
Panneaux explicatifs affichés au musée © Parc minier Almadén
Galerie reconstituée dans la mine – Cliché APIC, 2015

Chaque époque fournissait de gré ou de force ses travailleurs. À l’époque romaine, ce furent les esclaves comme le montre actuellement le musée dans la mine. Au temps des Fuggers, ce furent les forçats enrôlés par le roi qui pour éviter les galères finirent dans les mines d’Almaden. Si leurs conditions de survie étaient assurées (nourriture en quantité correcte, vêtements…), leur espérance de vie fut de courte durée en raison de l’intoxication par le mercure et des dangers de l’extraction. Une enquête royale à la fin du XVIe siècle montre qu’un quart d’eux eux meurt dans ce travail forcé.

De nouveau le recours aux esclaves eut lieu au XVIIe en plus des condamnés. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir les travailleurs volontaires les remplacer. Dans l’hypothèse où les conditions de travail ont pu s’améliorer, les conditions de travail et de vie devaient rester pénibles et risquées. L’Hôpital royal des Mineurs de Saint-Raphaël construit en 1774 et utilisé jusqu’en 1975 dans la ville d’Almaden, que l’on peut visiter, accueillait les malades intoxiqués par le mercure (troubles nerveux).

Les paysages du Parc minier

Bâtiment de surface et chevalement sur un puits – Cliché APIC, 2015

Le Parc minier comporte des vestiges techniques, des chevalements de puits de mines, des galeries aménagées en surface pour la visite à 50 mètres de profondeur, des fours en plein air pour l’extraction du cinabre, des voies de chemin de fer. Un centre d’interprétation du travail des mines informe des conditions techniques, économiques et sociales de ce lieu ainsi que des salles consacrées à la géologie de la zone et à des expériences interactives en physique et en chimie sur le mercure.

Fours Aludel du XVIIe siècle pour l’extraction du mercure – Cliché APIC, 2015

L’ensemble minier et historique d’Almaden a fait acte de candidature pour être reconnu Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 2010 dans le cadre d’un binôme Mercure-argent qui englobe Almaden, Idrija et San Luis Potosi.
C’est en 2012 que le « Patrimoine du mercure à Almaden et Idrija » (Espagne et Slovénie) a été inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Bassin de mercure liquide au centre d’accueil du Parc minier d’Almaden – Cliché APIC, 2015
Allée de la Porte de Carlos IV vers l’entrée des anciennes mines converties en parc minier – Cliché APIC, 2015

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