Rio Tinto, site naturel et minier des plus insolites de l’Andalousie

Province d’Huelva – Communauté autonome d’Andalousie

Le bassin de Rio Tinto constitue une des exploitations minières qui compte parmi les plus importantes du monde. Site naturel et minier, il est l’un des plus insolites de l’Andalousie.
Rio Tinto est localisé, dans la Province de Huelva, sur les contreforts de la Sierra Morena, dans la municipalité de la Minas de Riotinto. La Province d’Huelva a un passé minier remarquable et très ancien puisque la première exploitation à Rio Tinto remonte à plus de 2000 ans.
Cette mine de Rio Tinto correspond à l’ensemble des mines à ciel ouvert ou souterraines d’où l’on a extrait au cours des siècles passés des minerais de cuivre et d’autres métaux non-ferreux.

Entrée du Parc minier de Riotinto – Cliché APIC, 2015

« La rivière rouge »

Rio Tinto est le nom du fleuve qui s’écoule vers le Sud sur 80 kilomètres de long depuis la Sierra Morena avant de déboucher dans le golfe de Cadix à Huelva où il mélange ses eaux rougeâtres avec celles de l’Atlantique.

La rivière Rio Tinto en amont du bassin minier – Cliché APIC, 2015

La couleur de ses eaux rouges, lie de vin provient des composants minéralogiques du sous-sol rocheux de la région composé de pyrites (FeS2) et de chalcopyrites (CuFeS2), d’orogénèse hydrothermale (magmatiques). Sa couleur rouge vif est due à sa haute teneur en éléments minéraux qui contiennent des sulfures de métaux : du fer au cuivre.

Échantillon de chalcopyrite – © Musée minier de Riotinto – Cliché APIC, 2015

Par oxydation au contact de l’air et de l’eau certains minéraux sulfurés métalliques produisent de l’acide sulfurique qui rend solubles les métaux (fer, métaux toxiques, mercure, plomb).
Sur le site, l’eau s’écoule par suintement et par ruissellement à travers les excavations, les lieux de stockage des déchets miniers : on parle de drainage minier acide.
Par ailleurs, des microorganismes (bactéries extrêmophiles) vivant dans ce « cocktail » toxique contribuent à leur tour à l’acidification des eaux.
Aussi les eaux de ce fleuve présentent une acidité exceptionnelle (pH compris entre 2 et 2,5) sur son cours, cela a intéressé les scientifiques. Du point de vue minéralogique ce bassin minier du Rio Tinto n’est pas sans rappeler les conditions qui prévalent sur la planète Mars, ce qui a  mobilisé la NASA dans une recherche d’exploration et d’utilisation  du site.

Les paysages colorés du bassin minier

Lors des derniers siècles les exploitations ont été menées par des galeries de mines horizontales et des mines à ciel ouvert. Parmi ces dernières on trouve la mine de Peña de Hierro, aujourd’hui sorte de cratère comblé par un lac de 25 mètres de profondeur entouré de longs murs en gradins circulaires. De même La Corta Atalaya, gigantesque gouffre artificiel de 350 mètres de profondeur (un kilomètre de long et un kilomètre de large) cerclé de gradins emboités forme une des plus grandes mines à ciel ouvert de la planète. Des milliers de tonnes de minerais de fer, de cuivre et d’autres métaux nobles (argent, or) ont été extraites de ce complexe minier.

Immenses mines à ciel ouvert avec gradins – Cliché APIC, 2015

Les paysages sont à la hauteur de la réputation de ce bassin exceptionnel. Les excavations et l’accumulation d’immenses déchets de roches donnent des paysages désolés et décharnés que l’on qualifie de « lunaires » même si le blanc est largement remplacé par un mélange de couleurs chaudes et froides. Les matériaux rocheux et les eaux de la région donnent aux paysages des couleurs fortement affirmées : le rouge, le brun, le vert et le bleu teintent les paysages. De même les eaux de ruisseaux de la région se colorent de bruns rougeâtres, d’orange vif et de vert émeraude.

Peña de Hierro, mine à ciel ouvert abandonnée – Cliché APIC, 2015

L’entreprise « Rio Tinto »

L’exploitation du sous-sol remonte à l’Antiquité, on extrayait de nombreux minerais notamment le cuivre, l’argent, l’or parmi d’autres minéraux.
Depuis plus de 2000 ans les populations locales puis les Phéniciens, les Grecs et surtout les Romains ont exploité ce site riche en métaux. Après un long répit qui va du XIIIe siècle au début du XIXe, l’extraction redémarre avec la création d’une entreprise à capital étranger en 1873 : Rio Tinto Company Limited. Les mines sont désormais possédées par un consortium qui réunit un riche industriel anglais (Hugh Matheson), la Deutsche Bank et une compagnie ferroviaire Clark, Punchard and Company.
La mine est achetée au gouvernement espagnol qui renonce à ses redevances sur la production, une société industrielle est créée.
A la fin des années 1880, le contrôle de cette entreprise est confié à la société Rothschild qui en développe l’exploitation.

Plus généralement au XIXe siècle, les étrangers révolutionnent l’industrie minière espagnole. Des entreprises anglaises développent dans les Asturies, à Malaga, en Biscaye ou bien ici à Huelva des bassins d’extraction et de raffinage des minéraux.

Très vite la production prend de l’ampleur, de 1877 à 1891 la mine de Rio Tinto est le premier producteur de cuivre mondial ; en 1890 la production de cuivre atteint 40 000 tonnes à Rio Tinto (avec celle de Tharsis) soit près de 10% de la production mondiale. Un chemin de fer  est construit vers la côte pour exporter le minerai vers le reste de l’Europe.

Reconstitution historique du travail dans une mine à ciel ouvert – © Musée minier de Riotinto – Cliché APIC, 2015

1888 : les teleras, année de la fusillade

En 1888 dans la localité de Riotinto ont lieu des manifestations de mineurs et de la population qui dénoncent leurs mauvaises conditions de travail mais également la pratique de la calcination du minerai de cuivre en plein air (Les teleras) qui entraîne d’importantes pollutions atmosphériques dans l’ensemble de la région qui créent des dommages aux agriculteurs. Le 4 février 1888 au matin a lieu une grande manifestation dans la ville, les troupes de deux garnisons de soldats, qui devaient assurer l’ordre, tirent dans la foule : on dénombre entre cent et deux cents morts parmi les manifestants. Ces faits sanglants sont connus sous le nom de « l’année de la fusillade » lors de cette manifestation écologique.

Répression sanglante de la manifestation du 4 février 1888 – © Musée minier de Riotinto – Cliché APIC, 2015

Les travaux de cette entreprise se poursuivent sur une longue période ; Rio Tinto est devenue l’une des sources les plus importantes de cuivre et de soufre dans le monde entre 1873 et 1954.
Pour des raisons économiques et  politiques l’entreprise est en partie nationalisée par le gouvernement franquiste en 1954.
Suite à cette nationalisation, en quittant le site initial la société Rio Tinto va développer de par le monde ses activités minières, en Rhodésie, en Australie, en Amérique du Nord.

Localement l’exploitation va perdre peu à peu son ampleur, en fonction de l’évolution du cours du cuivre mondial. En 1980, l‘exploitation passe aux mains des travailleurs pour se terminer en 2001. En 2015 une société chypriote reprend l’exploitation de la mine de Corta Atalaya.

La muséalisation de la région

À partir de 1987 est créée la Fondation Rio Tinto qui organise le Parc minier de Riotinto. Le but étant de sensibiliser la population au passé de cet énorme site minier en prenant en compte les ressources du site, la création et l’organisation de l’entreprise d’extraction, et tout le travail humain organisé sur ce bassin minier à travers les âges.

Aujourd’hui dans la cadre du Parc minier on peut visiter la mine de Peña de Hierro, le musée minier de Riotinto dans l’ancien hôpital et le quartier britannique de Bellavista.

Quartier britannique de Bellavista – © Musée minier de Riotinto – Cliché APIC, 2015
Maisons dans le quartier britannique – Cliché APIC, 2015

À travers ses salles le musée minier retrace au cours du temps l’exploitation de ce site. L’époque romaine est bien représentée avec une exploitation centrée sur l’argent et le cuivre, présentation également d’une maquette de la mine romaine.
De même dans  la période plus récente de la fin du XIXème siècle, présentation de  la société britannique qui, dans un esprit colonial paternaliste, installe ses ingénieurs et ses techniciens dans le quartier de Bellavista d’architecture victorienne, complètement en marge de la population locale.
Par ailleurs le musée présente la reproduction d’une ancienne gare et expose des pièces mémorables de matériels roulants (locomotives, wagons) fabriqués de 1892 à 1930 au Royaume-Uni.

Vestiges en plein air de matériels roulants anciens – Cliché APIC, 2015
La traversée du bassin en train d’époque – Cliché APIC, 2015

Enfin, il est possible pour terminer la visite de prendre un train d’époque sur 22 km qui traverse le bassin minier aujourd’hui abandonné d’activité en longeant la rivière Rio Tinto qui mélange ses eaux vives, colorées et acides.

Le parc minier de Riotinto vu du train – Cliché APIC, 2015
La « rivière rouge » en aval du bassin minier – Cliché APIC, 2015
La « rivière rouge » en aval du bassin minier – Cliché APIC, 2015

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