Dossier préparé par Gracia Dorel-Ferré pour un reportage FR3.
Avec la participation de Dominique Néouze.
La cheminée est un symbole fort, qui, associé au toit de sheds, signifie l’usine, même si le charbon n’est plus la source d’énergie prioritaire.
On a dit des cheminées : ce sont les beffrois du travail, des totems, des obélisques. En brique, elles présentent l’avantage d’assez bien se conserver et d’avoir une faible emprise au sol. Elles rappellent une activité disparue. En 2002, l’Inventaire en listait une dizaine à Reims. Aujourd’hui, il n’en reste plus que cinq.
Clairmarais (photo 1 ci-dessus) avec le socle de la cheminée des teintureries Laval, le garage Beccue (illustration 2), atelier poids lourds des années 30 à 1980, sauvé de justesse, la verrerie Charbonneaux (illustration 3) et les « régates », anciennes teintureries Machuel-Néouze (illustrations 4 et 5), avec en face, le socle de la cheminée de la blanchisserie qui en dépendait. C’est un ensemble cohérent qu’il faudrait ressusciter, au moins à travers un cartel explicatif.
 2- Garage Beccue © G.Garitan, CC BY-SA 4.0 |  3- Verrerie Chabonneaux © Jean Weber – inra.dist, CC BY 2.0 |
 4- Machuel et Néouze – Cheminée restaurée © Fab5669 – CC BY-SA 4.0 |  5- Machuel et Néouze – bassin de lavage des laines © Collection particulière |
© Collection particulière
Nombreuses au début du XXe siècle, les cheminées caractérisaient la ville industrielle. Reims l’était, depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, car elle bénéficiait du charbon apporté du bassin du Nord-Pas de Calais par le chemin de fer. D’où les nombreuses machines à vapeur pour fournir l’énergie ou pour chauffer les chaudières pour le textile (fabrication et teintureries), mais aussi les industries mécaniques, les verreries et même les industries du champagne, pour les tonnelleries.
Un bon exemple est fourni par un document d’archive qui a été procuré par Christophe Henrion : la page de garde du guide de l’étranger à Reims (illustration 6) multiplie les panaches de fumée. Une vue de la grande tonnellerie de Pommery sur une carte postale du début du XXe siècle montre « l’usine » dont Madame Pommery était si fière (illustration 7).
Doit-on faire table rase ? Cela équivaut à nier l’époque d’où nous sommes issus. Nos sociétés, à l’heure actuelle, évacuent le passé dans le paysage urbain. On accompagne ou on enveloppe de verre les anciens monuments, pour les intégrer dans d’autres matériaux où, parfois, ils se reflètent (Pyramide de Pei, bibliothèque de Reims, etc.). Tout est fait pour incorporer le passé irréductible dans un présent où il se dilue (la caserne du boulevard de la Paix par exemple). C’est une erreur que de vouloir couper les racines. Les sociétés ont besoin de savoir d’où elles viennent, pour aller de l’avant.
