Les Bourbon de Naples

Les jardins royaux de Caserta
Les jardins royaux de Caserta – Cliché APIC, 2020

La recomposition de l’Europe après la guerre de Succession d’Espagne attribue le royaume des Deux Siciles au 3e fils de Philippe V d’Anjou, roi d’Espagne, (et aîné de son deuxième mariage). Les Deux Siciles appartenaient à la couronne espagnole depuis la fin du XIIIe siècle, et pour Philippe V, mettre son 3e fils sur le trône, c’était en quelque sorte reprendre une relation privilégiée : les italiens vont jouer un rôle important dans la cour d’Espagne et vice-versa. Entouré par des personnalités reconnues d’Espagne comme d’Italie, Charles III s’investit dans ce royaume qu’il aime profondément. La liste de ses réformes et de ses bienfaits est impressionnante : recensement et réforme du cadastre, réforme judiciaire (1738), codification des lois, création du Tribunal de commerce, réforme des études universitaires, création d’une chaire de commerce et d’économie politique, fouilles archéologiques de Pompéi et Herculanum, ouverture du Musée Farnèse, théâtre de San Carlo, palais royaux de Portici, Capodimonte, Caserta, fortifications et embellissements de la capitale, aménagement des routes et des voies d’eau, hospice pour les pauvres et œuvres de bienfaisance pour les enfants, les malades et les veuves ; protection du commerce et développement des manufactures, etc… Il suit en cela le modèle monarchique français, tempéré par le respect des lois et des traditions du pays. Les historiens thuriféraires de l’unification politique italienne, n’ont pas été tendres pour lui. En Espagne, on a sous-estimé ce souverain qui se méfiait du pouvoir de l’Inquisition… Il est temps de lui rendre justice.

Comme d’autres souverains de son temps, il entend s’emparer de prérogatives jusque-là exercées par l’Église, comme l’état civil, l’enseignement et l’assistance publique. On a parlé à son propos de « modernisation conservatrice ».

Son œuvre la plus originale est sans doute l’Auberge des Pauvres, un des édifices les plus grands de son temps, et le plus ambitieux. Du à l’architecte Fernando Fuga, il est resté inachevé et présente avec ses 100 000m2 actuels le 1/5 du projet initial. Un escalier monumental marque l’entrée principale. La façade devait faire 600m de long (au lieu des 400 actuels) et une largeur de 135m, en incluant cinq grands patios alignés (aujourd’hui on n’en compte que trois). Celui du milieu comprenait la chapelle sur un plan radial et 6 bras.

Auberge des pauvres, état des lieux actuel
Auberge des pauvres, état des lieux actuel
Projet de rénovation SARL d’architecture Detry-Levy&Associés

Il s’agissait de régénérer les prisonniers par le travail, d’accueillir les orphelins et leur donner une profession. Ces bonnes intentions semblent avoir fait long feu et l’édifice fut longtemps appelé le sérail, c’est-à-dire un endroit d’où on ne peut sortir. On y créa une école de musique, une école pour sourds-muets, un tribunal pour enfants etc…

Auberge des Pauvres
Auberge des Pauvres
Cliché Armando Mancini, 2008, CC BY-SA 2.0

Le projet initial prévoyait d’accueillir et rééduquer quelques 8000 pauvres de tout le royaume. Ils étaient divisés entre hommes, femmes, fillettes et garçons, strictement séparés pour éviter toute promiscuité. On leur enseignait à filer la soie, pour alimenter l’industrie textile du royaume. Aujourd’hui, différents projets sont à l’étude, dont une cité pour les jeunes.

Charles III dut quitter sa chère Italie pour prendre le trône d’Espagne après la mort soudaine de ses deux demi-frères, nés du premier lit de leur père. Il laissa sur le trône son troisième fils Ferdinand, devenu Ferdinand IV, dont le règne marque la continuité avec le précédent, notamment à travers la manufacture de San Leucio, installée sur le relai de chasse du Belvédère.


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