Une épopée industrielle et familiale 1918-2025
Un dossier d’Olivier DUMONT, 2025

La dolomie est une roche calcaire déposée il y a environ 250 millions d’années par les mers, carbonatée composée d’au moins 50 % de dolomite, un carbonate double de calcium et de magnésium, (contenant environ 20% de magnésie et 30% de chaux) de composition chimique CaMg (CO3)2, qui cristallise en prismes losangiques (rhomboèdres). Son nom dérive de celui du géologue, minéralogiste et volcanologue français Déodat de Dolomieu, qui découvrit cette roche.
La rédaction d’un ouvrage qui est en cours de finalisation sur la carrière et l’usine de Voisey dénommée ensuite la Dolomie puis en 1982, la SEDE (Société d’engrais et dolomie de l’Est) et enfin en 1984 la Timac, répond à plusieurs exigences.
Je souhaite, en premier lieu, faire connaître à ma famille cette histoire assez extraordinaire menée par notre grand-père Albert DUMONT (1898-1956) après la guerre de 1914-1918. Rendre compte aussi de la place jouée par nos arrière-grands-parents le Chef de bataillon Albert DUFAY et son épouse Céleste BERNARD-DUFAY (1854-1935 et 1863-1935) dans cette aventure m’est apparu comme un acte important de mémoire et de transmission.
Le bâtiment principal de l’usine, construit à partir de 1943 par notre grand-père est promis à la démolition (permis de démolir, dépôt 2025) et l’exploitation de la carrière, définitivement arrêtée la même année.
Cette exploitation de plusieurs dizaines d’hectares sera rendue à son état presque originel. Il n’y aura bientôt plus de trace de cette activité industrielle qui sera perdue et elle mérite d’être transcrite pour nos ancêtres, les collaborateurs, leurs familles et le patrimoine industriel.
« La dolomie est une matière extrêmement importante pour l’activité économique de notre pays, car elle sert pour la construction des parois réfractaires basiques des appareils dans lesquels on transforme la fonte en acier. Les sols des fours Martin et les fonds et les parois des convertisseurs Thomas ou Bessmer, sont faits en dolomie et sans dolomie, il serait impossible de fabriquer de l’acier. »… Albert Dumont 1946.
La fourniture de dolomie pour la cuisson de verre, les amendements agricoles ont été aussi des axes majeurs de développement.
Je suis, depuis le décès de mon dernier frère, le dernier descendant Dumont de cette lignée de quatre garçons qui a vécu à Voisey et qui a côtoyé cette période.
Il est important de rappeler le temps de la construction de cette usine en pleine guerre (1939-1945) avec si peu de moyens, ainsi que l’après-guerre avec le plein emploi. Les personnes n’avaient pas à quitter la région pour trouver un travail et étaient issus du village et de ceux environnants.
Les métiers au sein de cette industrie, quels qu’ils aient été, étaient durs pour chacun en raison tout d’abord du climat de Voisey. Le climat continental chaud en été et froid en hiver, une usine à feu continu (en H.24, 11 mois et demi sur 12), l’approvisionnement et le déchargement des fours chauffant à des centaines de degrés, le travail de la pierre avec la poussière que cela engendrait, font parties des difficultés rencontrées par les équipes.
Sans minimiser aussi la durée du travail hebdomadaire de l’époque ou le personnel travaillait six jours sur sept, par équipes* qui œuvraient pour l’exploitation des fours et en amont bien sûr à l’extraction difficile de la pierre dans la carrière avec la pluie, la neige, le gel à pierre fendre, le soleil et le vent…
*les équipes étaient alors au nombre de trois ; une de journée, une pour la nuit pendant qu’une troisième se reposait. Faites le calcul !
Je pense aux ouvriers décédés accidentellement et à leur famille. Les ouvriers issus de l’immigration venus travailler à Voisey font partie de mes souvenirs. D’Italie, de Pologne, du Portugal, d’Espagne et d’Afrique du Nord, des personnes venues seules pour nourrir leur famille restée au pays ont œuvré dans des conditions bien difficiles.
Je ne dois pas omettre d’aborder aussi l’attachement que les ouvriers, les cadres avaient pour cette entreprise et leurs collègues. L’organisation d’une journée commémorative en 2006 est, s’il est nécessaire de le mentionner, une belle preuve de l’entente et de l’entraide qui régnait : « c’était dur mais il y avait une bonne ambiance ».
Il était important pour notre famille de parler de ce grand-père Albert Dumont et évoquer avec un grand respect cet homme foudroyé en 1956 par une crise cardiaque à l’âge de 58 ans. Ce dernier sortait d’une convocation chez le préfet le sommant de trouver des solutions à la poussière engendrée par l’exploitation de l’usine suite à des plaintes d’habitants du village. La sentence étant la fermeture de l’usine. (Le sujet des filtres à particule de poussière était et est toujours d’actualité 70 années plus tard car techniquement complexe !). Il en a été de même pour mon père, meurtri par ses préoccupations de dirigeant qui, en 1972, a vu l’usine de Voisey arrêter ses fours -les poumons de cette industrie- et qui décède en 1976 à 55 ans après quatre longues années de maladie.
Enfin, j’ai souhaité que le nom des personnes qui ont travaillé dur à la carrière et à l’usine de la Dolomie soit mentionné. C’est une façon de leur rendre hommage ainsi qu’à leur famille.
Mon propos s’arrêtera à 1972 qui a correspondu à l’arrêt du cœur de l’usine c’est-à-dire l’arrêt des fours et au dépôt de bilan en 1981. La période qui suit (de 1982 à 2002) sera évoquée respectivement par Michel Philippe de Melay qui a eu la gentillesse de compléter ce récit ainsi que par Patrick Gilbert pour les années de 2002 à 2025. La Dolomie a continué son activité jusqu’en 1981 et suite à son dépôt de bilan, l’entreprise sera reprise par une autre entité en 1982, la SEDE (société d’engrais et dolomie de l’Est) intégrée en 1984 à la société TIMAC, usine du groupe Roullier devenue propriétaire.
Pour marquer cette période de la vie du village, une plaque commémorative sera apposée dans le courant de l’année 2026 à Voisey sur la façade d’une maison où étaient installés les premiers bureaux de l’entreprise.




