100 sites remarquables en Champagne-Ardenne

Dans le département de l’Aube
Sélection réalisée par Jean-Louis Humbert, 2020


1. Usine de bonneterie Furgon/Sinelle, Aix-en-Othe
(Cliché Arch. dép. Aube)
L’entreprise est créée en 1849 par Louis Alphonse Michaut aîné, fils d’un fabricant en bonneterie. Ernest Furgon (1840-1908) y est d’abord employé puis devient l’associé de Michaut en 1873 dans Michaut aîné et Furgon, avant de lui succéder en 1889. En 1903, il associe ses trois contremaîtres – Émile Sinelle, Edmond Léon Collot et Henri Déghey – dans E. Furgon et Cie. Après son décès en 1908, la raison sociale devient Établissements Sinelle, Collot et Déghey. Fernand Sinelle puis Hubert, Henri Collot et Pierre Déghey se succédent à la direction de l’usine qui ferme ses portes en 1958.
La bonneterie Furgon est réputée pour ses bas et maillots pour cyclistes ainsi que pour ses chaussettes fantaisie et obtient de nombreuses médailles aux expositions de Troyes, Paris (1900), Bruxelles, Saint-Louis…
Une grotte est construite dans la cour de l’usine. Le site, encore dominé par sa cheminée, est désormais dévolu à l’habitat.
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2. Usine de bonneterie Bruley, Estissac
(Cliché Jean-Louis Humbert, mai 2007)Titre du spoiler
Cette usine de bonneterie est établie par Félix Bruley-Mosle en 1865, puis exploitée sous la raison sociale Bruley Frères vers 1925, époque où l’usine est agrandie. Elle produit bas, mi-bas, socquettes, bas sport et chaussettes. Sa marque Bestiss connaît une certaine notoriété dans les années 1950-1960. La société Doré-Doré de Fontaine-les-Grès acquiert les locaux en 1967 à la suite d’un incendie partiel. L’usine principale, surnommée « la générale », emploie une cinquantaine d’ouvriers et fournit, tout au long de son existence, du travail à un réseau de façonniers à domicile.
Le site montre à gauche de la cour d’entrée de petits ateliers de plain pied en briques, à gauche un bâtiment à étages en briques et pans de fer, visibles dans la remise à laquelle on accède par un porche à arc cintré. La façade sur rue de cette aile porte la date 1907. Face à l’entrée se situent les bureaux.
Depuis 1994-1995, les lieux acquis par l’OPAC de l’Aube ont été réhabilités pour accueillir un foyer de vie pour 30 résidants handicapés. Une partie des ateliers accueille le musée de la Mémoire paysanne, réalisation du Syndicat d’initiative d’Estissac, aidé par quelques bénévoles désireux de préserver une partie du patrimoine local.
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3. Filature de l’Enclos, Virey-sous-Bar
(Cliché Jean-Louis Humbert, juillet 2005)
Avant la Révolution française, le site de l’Enclos comprend un moulin à farine et un moulin à foulon. Devenus biens nationaux, ceux-ci sont acquis par un cultivateur qui les revend en 1826 à un filateur troyen qui entend utiliser la force hydraulique. Il répare les moulins, construit un bâtiment le long de la rivière, mais est contraint de céder le site au filateur Riste. Celui-ci érige un bâtiment à la place du vieux moulin, ainsi qu’une cité ouvrière. La filature de laine peignée entame son activité en 1828. Auguste Couchot, négociant parisien, l’acquiert en 1833. Deux turbines sont mises en place en 1839. Une roue de 7 mètres de diamètre et de 7 mètres de large est mise en place en 1853 pour augmenter la force motrice.
À la suite de la faillite de l’entreprise en 1885, Paul Raguet, un des grands fabricants troyens de sous-vêtements, acquiert l’usine en 1888. Elle possède alors 7 600 broches. Raguet améliore le matériel et le rendement par l’installation d’une troisième turbine. En 1895, il met en place une machine à vapeur de 150 cv et fait construire un vaste atelier en rez-de-chaussée, élevé en moellons de calcaire et couverts de sheds. Il fait monter quatre renvideurs qui portent à 12 240 le nombre des broches. La filature alimente de nombreuses entreprises de bonneterie. En 1900, un incendie détruit les bâtiments édifiés en 1827-1828. Au début du XXe siècle, une machine Compound de 450 cv est en place. En 1910, la crue de la Seine interrompt l’activité et amène l’évacuation des cités ouvrières. Pendant la Grande Guerre, l’activité est maintenue, le personnel mobilisé étant remplacé par des filateurs venus du nord de la France occupé.
La SA Filature de l’Enclos est créée en 1923 et exploite le site jusque dans les années 1970. De 1980 à juin 2004, la bonneterie troyenne Valton, puis Les Tricotages de Lenclos, occupent les bâtiments à l’exception du moulin qui est alors abandonné puis détruit au tout début du XXIe siècle. Les logements ouvriers ont été réhabilités.
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4. Usine de bonneterie Lille, Marigny-le-Châtel
(Cliché Jean-Louis Humbert, mars 2004)
Les Établissements Lille sont fondés vers 1895, lorsque Lucien Lille quitte ses associés des Établissements Jossier-Lille-Crespy pour établir une usine de bonneterie. Il fait édifier la villa Lille par l’architecte romillon Arthur-Charles Clément, aussi auteur de l’école enfantine, du bureau de poste de Marigny-le-Châtel.
L’usine est agrandie avant 1914 puis entre 1925 et 1930, époque qui voit la construction de logements ouvriers. La raison sociale est alors Les Fils de Lucien Lille. L’établissement cesse son activité vers 1960. Actuellement, les logements ouvriers demeurent occupés. Le site de production a été détruit à la fin des années 1990 au profit d’un programme immobilier qui a converti les anciens bureaux en logements.
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5. Usine Claverie, Romilly-sur-Seine
(Cliché Jean-Louis Humbert, avril 2012)
En 1894, quatre employés de l’entreprise Kretz suggèrent à Charles Auguste Delbret Claverie, fabricant de tricot élastique à Paris, de créer une usine à Romilly. En 1895, Claverie fait construire rue Mérenda, actuelle avenue de la Liberté, une usine de bonneterie produisant des tissus élastiques destinés à la fabrication de sous-vêtements féminins. Le succès amène en 1902 un agrandissement au sud avec atelier de mécanique. La superficie atteint 3500 m2. À partir de 1904, l’établissement est dirigé par Georges Bos, ancien collaborateur de Claverie. En 1905, il devient la propriété de la SNC Georges Bos et Louis Puel. De nouveaux aménagements sont réalisés en 1913 et 1919. Les Établissements Claverie mènent une active politique sociale : logements des cités Claverie, organisation de prévoyance, caisse de retraite…
En 1923, une société Louis Roques, Georges Arachequesne et Cie voit le jour après la mort de Georges Bos. Elle devient la société immobilière Bos en 1927. L’entreprise, qui continue de porter le nom de Claverie, connaît une forte expansion après la Grande Guerre. Elle possède des succursales ou des dépôts dans de nombreux pays et propose une large gamme de produits : corsets, ceintures anatomiques, soutiens-gorge, appareils d’orthopédie, bas à varices, bandages herniaires. Elle peine à surmonter la crise des années trente et ne fonctionne plus que dans une partie du site.
De 1966 à 1970, les Établissements Camuset (Le Coq sportif) installent leur production de survêtements dans une partie de l’usine. Les locaux où se maintient l’activité propre à Claverie ferment leurs portes en 1974. La Ville de Romilly-sur-Seine acquiert la partie nord des bâtiments en 1975. En 2006, une partie de ceux-ci – 370 m2 – est réhabilitée en cabinets d’architecte, d’infirmière et de kinésithérapeute. La partie sud du site est dévolue à un commerce jusqu’en 2005.
En 2010, la société le Coq sportif, de retour dans son berceau romillon, installe un centre de développement sur l’ex-friche. En 2012, elle y ouvre un centre technique de 860 m2 dédié à la conception et au développement des collections haut de gamme. Les locaux ont été réhabilités par la Ville de Romilly.
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5bis. Les Établissements de bonneterie Gérard et Fortier, Arcis-sur-Aube
(Cliché Arch. dép. Aube)
En 1835, les maisons parisiennes Savouré et Despretz, implantées à Arcis et jusque-là associés, se séparent. En 1836, Despretz fait entrer son gendre Fortier dans son affaire qui devient Fortier-Despretz, marque F.D. La société contrôle autour d’Arcis la production d’un réseau de façonniers à domicile qui apportent leur production de bas et de chaussettes dans un dépôt, 44 rue de Troyes. La production, 26 000 paires par an, est ensuite expédiée vers Paris pour être terminée et vendue. En 1870, la société occupe à Paris trois appartements, 128 rue de Rivoli. On y trouve l’habitation, les stocks, les bureaux et les apprêts. Vers 1872, Fortier disparaît et sa fille Marie épouse Henri Gérard, acheteur aux Magasins du Louvre. La société, spécialisée dans les fils fins et soignés, devient Gérard et Fortier, marque G.F. Henri et Marie Gérard prennent leur retraite en 1901. Les enfants Gérard, Georges et Charles, succèdent à leurs parents en 1901 sous la raison sociale “Gérard-Fortier Frères” et fondent une usine en 1910.
Après la Grande Guerre, l’usine et les ateliers familiaux restent spécialisés dans la fabrication d’articles de luxe et de haute fantaisie. La marque GEF est déposée en 1927. Au cours des années 1930, les travailleurs à domicile disparaissent, la production étant désormais totalement assurée à l’usine. En 1938, Georges Gérard quitte la société. Verley, Boin et Deshayes lui succèdent, Charles Gérard continuant d’assurer la présidence jusqu’en 1959. Après la Deuxième Guerre mondiale, la société poursuit la fabrication des chaussettes. En 1962, elle produit des pulls shetland fully-fashionned. L’usine est alors agrandie par d’importants bureaux, tandis qu’une unité de production est créée à Montceaux-les-Mines (1964). En 1966, la société fusionne avec la bonneterie de Tergnier (Aisne) et développe la fabrication d’articles coupés-cousus jusqu’en 1980, année où elle dépose son bilan. Les comptes sont redressés en 1983. La société passe sous contrôle de Sotexa et obtient en 1984 la licence Pierre Cardin. En 1994, la Sotexa passe dans le giron de Courtaulds Textiles (Royaume-Uni) et est chargée de la production des collants Well jusqu’en 2003, date à laquelle, pour des raisons de stratégie commerciale, le groupe ferme le site, rasé en 2011.
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6. Usine Gillier/Lacoste, Saint-André-les-Vergers
(Cliché Jean-Louis Humbert, juillet 2004)
Cette maison est fondée en 1825 par César Dalichamp. Elle est ensuite dirigée par son gendre Alexandre Cambon, puis par son petit-fils Maurice Gillier à partir de 1881. André Gillier, fils de ce dernier et polytechnicien, assure la direction à partir de 1908. À sa mort en 1935, Jean et Maurice Gillier dirigent l’entreprise qui devient la SA Gillier.
L’usine quitte définitivement le boulevard Victor Hugo après la Grande Guerre pour Ma Campagne, un site de Saint-André-les-Vergers, acheté aux Oblats de Saint-François-de-Sales en 1903-1904. Elle utilise les locaux du Petit et du Grand Saint-Bernard, établissements d’enseignement fondés par le Père Brisson en 1872 et 1875, avant de s’y développer. Avant 1939, la salle des métiers Cotton est réputée la plus grande d’Europe. L’achat de concurrents et la production du Lacoste, à partir de 1936, font de Gillier l’entreprise phare de l’entre-deux-guerres. L’expansion se poursuit après la Seconde Guerre mondiale avec les marques de sous-vêtements Orly, Jil, Polichinelle.
En 1962, les Éts Gillier passent sous le contrôle du groupe Lévy/Devanlay qui atteint ainsi le sommet européen. Cette société connaît une réussite spectaculaire liée à la distribution dans les grands magasins et les magasins populaires que l’entreprise contrôle tout ou partie. La baisse des ventes et la lourdeur des crédits amènent une crise au début des années 1970. En 1974, Pierre Lévy laisse la place à son gendre Léon Cligman et à son groupe Indreco. Cligman relance le Lacoste à partir de 1976 et poursuit les reprises de concurrents (cf. Dupré à Romilly-sur-Seine en 1981). Devanlay SA naît en 1984.
En 1998, la société est rachetée par le groupe de distribution suisse Maus Frères. Les activités jugées peu rentables, comme le sous-vêtement, sont cédées. La société se repositionne sur la qualité et le prestige. Depuis 1999, elle possède la licence mondiale de fabrication des textiles Lacoste. Elle développe un réseau de 800 boutiques dans le monde et ses ventes augmentent grâce notamment au piqué stretch, innovation mise au point à Troyes. Devanlay SA salarie 1 000 personnes dans l’Aube.
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7. Bonneterie Journé-Lefèvre, Sainte-Savine
(Cliché Jean-Louis Humbert, septembre 2018)
Le couple Edme Évrard-Augustine Dard fonde en 1856 la Société commerciale de l’Aube pour l’exploitation de la bonneterie. Il édifie, en 1866 et 1871, une blanchisserie et une fabrique de bonneterie circulaire 10 et 12 rue Saint Rémy, actuelle rue Benoît-Malon. Après le décès de son époux en 1886, la veuve Évrard-Dard loue les deux sites.
En 1906, Antoine Journé prend la suite de la société Ruotte, installée 12 rue Benoît Malon. En 1908, il est médaillé d’or à l’exposition de Londres pour ses productions de bonneterie et s’associe avec Pierre Lefèvre avec lequel il acquiert l’usine.
Société anonyme en 1924, puis société à responsabilité limitée en 1926, Journé-Lefèvre s’agrandit : construction d’ateliers dans la cour centrale en 1925, d’un bâtiment en béton armé à trois sheds au sud du site entre 1929 et 1931, et achat de l’usine située 10 rue Malon, occupée jusque-là par les Tricotages Mécaniques de Pontarlier, en 1933.
Après la Seconde Guerre mondiale, la société poursuit son activité, toujours animée par les descendants des fondateurs. La société quitte la rue Benoît-Malon en 2001, s’installe à Troyes sur le site de la Bonneterie du Pont-de-Châlons, dans un bâtiment mieux adapté à son activité et à sa taille, mais dépose son bilan en 2003.
L’OPAC de l’Aube achète Journé-Lefèvre en 2001. En 2004, la réhabilitation confiée à l’architecte Jacques Téqui permet de restituer l’usine de bonneterie dans son organisation première autour d’une cour centrale et de son jardin. Une cheminée est conservée.
Les ateliers de la partie centrale sont transformés en lofts. Le décor des pignons et les oculi de pierre sont restitués, la charpente et les poteaux de bois de la structure sont conservés. À droite, le bâtiment de bureaux, accolé à la maison de type patronal, abrite des lofts et des services. À gauche, l’ancien magasin de vente est transformé en lofts. Au n° 10, l’OPAC rase la blanchisserie et sa cheminée, remplacées par un immeuble de logements. Au sud, les bâtiments de 1931, accueillent des lofts et des bureaux en 2004.
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8. Usine Saint-Joseph (Valton, Petit Bateau), Troyes
(Cliché Jean-Louis Humbert, novembre 2002)
Allié aux Quinquarlet, importante famille d’industriels du textile troyen, Pierre Valton (1835-1919) fait construire sa propre usine en 1892 par Collot, ingénieur des Arts et Métiers.
L’architecture homogène de l’usine des origines est peu à peu hybridée par l’ajout de bâtiments de styles différents. Le bâtiment de la chaufferie, décoré d’une horloge et d’un drapeau tricolore marqué du Sacré Cœur, est surmonté d’une statue de saint Joseph portant l’enfant Jésus. Ce patronage est inspiré par les théories de Léon Harmel et débouche sur une politique sociale au sein de l’entreprise.
Les tissus tricot produits en laine, mélangé ou coton, sont transformés en sous-vêtements pour hommes, femmes et enfants. La spécialisation dans le vêtement pour enfants (culotte Baby sans jambes, brassière Baby sans boutons) et la création de la marque Petit Bateau, déposée en 1920 et popularisée par le personnage de Marinette, font la réputation et la fortune de la société. En 1937, tout l’Hexagone connaît Marinette et Petit Bateau se voit consacré à l’Exposition universelle de Paris. Outre Petit Bateau, les principales marques déposées sont Australie, Alaska et La Comète.
Après-guerre, Petit Bateau propose une ligne complète de vêtements pour enfants. Yves Rocher rachète la société en 1988, la recentre sur le sous-vêtement pour enfant, change de logo et communique. En 1994, la marque renaît lorsque les rédactrices de mode détournent l’un des produits de la gamme enfant, le tee-shirt, en le faisant porter par des mannequins. Aujourd’hui, Petit Bateau vise aussi les jeunes filles et les femmes et vend environ 30 millions de pièces chaque année. La société développe de plus en plus son réseau de boutiques en France et à l’étranger. Elle emploie plus de 1 300 salariés dans l’Aube, mais la production est de plus en plus délocalisée en Tunisie et au Maroc. En 2012, elle ferme l’usine de Tonnerre et ne conserve en France que les sites de Troyes, Pont Sainte-Marie et La Chapelle-Saint-Luc.
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9. Usine Vitoux, Troyes
(Cliché Jean-Louis Humbert, septembre 2003)
Les Établissements Vitoux-Derrey sont fondés en 1889 par Léon Vitoux et son épouse Marguerite Derrey, fille de fabricant de bonneterie. Ils débutent avec quelques métiers hollandais qu’ils spécialisent dans la fabrication de bas et chaussettes fantaisie en tous genres (collection de mille modèles). L’usine se développe considérablement entre les rues de la Paix et Brûlard, sur les plans de l’architecte Félix Bouton. Vitoux est l’un des premiers à se préoccuper d’action sociale. Dès 1904, il prône la diminution des heures de travail des femmes et se préoccupe de leurs enfants. L’usine est construite dans le respect de l’hygiène : partout de la lumière, de l’air et de l’espace afin de rendre agréable la fréquentation de l’atelier.
En 1908, Léon Vitoux fait appel à son gendre, Léon Poron, puis en 1919 à son fils Marcel Vitoux (Vitoux, Gendre & Fils), tous deux ingénieurs des Arts et Manufactures. L’usine regroupe toutes les étapes de la fabrication : bobinage, tricotage, finition, teinture et apprêt pour la mise en forme des bas. En 1925, les usines Vitoux s’adjoignent une branche mécanique pour la fabrication de machines à remmailler (Marcel Vitoux met au point la machine Vitos pour remmailler les bas qui, de plus en plus fins, filent trop facilement). Plus tard, s’ajoute un département lingerie et tricot. L’ensemble couvre 20 000 m2. Vitoux spécialise ses usines de Lusigny et Nogent-sur-Seine dans la fabrication des chaussettes d’homme et d’enfant, et celles de la Gabelle (Troyes) et de Châlons-sur-Marne dans la fabrication du bas. La marque Mondia obtient de nombreuses récompenses dans les expositions.
Les enfants Robert et Henri Poron, Pierre Vitoux et son gendre Raymond Guétin parviennent aux commandes de l’entreprise vers 1940. Le site s’agrandit par l’acquisition des proches Établissements Médinger. En 1944, Vitos figure parmi les quatre usines qui mettent au point le tricotage du nylon en France et lance les premiers bas 15 deniers. Ce produit assure la prospérité de l’entreprise durant les années 1950-1960. Elle compte un millier d’employés et est l’une des premières à délocaliser sa production, d’abord au Mexique (1955), puis au Portugal. Elle utilise largement la publicité pour faire connaître ses produits, enquêtes Dans les mailles de l’inspecteur Vitos sur Radio-Luxembourg, par exemple.
En 1970, Vitoux emploie 380 personnes. En 1979, il n’en reste que 70. En 1985, l’entreprise est placée sous tutelle de la Lainière de Roubaix, puis est rachetée par le groupe Prouvost. Vitos SA subit la concurrence des marques de la nouvelle maison-mère, Rodier et Korrigan, tandis que la production est de plus en plus délocalisée. L’usine ferme ses portes en 1989. Les bâtiments sont vendus et démolis en 1990. Seuls trois d’entre eux sont réhabilités en bureaux par l’architecte Gérard Poron et commercialisés par la SIABA. Le nom de Vitos se maintient dans le groupe VEV (Vitos Établissements Vitoux) qui emploie 1 700 salariés dans le Nord mais connaît de graves difficultés en 2003.
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10. Usine du Vouldy (Koechlin, Jourdain, TMT), Troyes
(Cliché Jean-Louis Humbert, septembre 2013)
En 1877, Henriette Frauenfelder, veuve de l’entrepreneur mulhousien Alfred Koechlin, achète la “Propriété du Vouldy” et deux autres terrains proches. L’un d’entre eux est acquis avec Henri Weber, manufacturier troyen résidant 31 mail des Blanchisseurs, actuel boulevard du 14 Juillet. Ils y édifient la filature de coton Weber et Cie, 13 rue du Pré l’Évêque, actuelle chaussée du Vouldy. L’établissement comprend une filature de 10 000 broches, une teinturerie industrielle et un atelier d’impression sur bonneterie. Le matériel de filature et la machine à vapeur de 120 chevaux proviennent des ateliers Koechlin. La salle de la filature mesure 35 m de large sur 120 m de long. Le site emploie 190 personnes et fabrique des articles de bonneterie à partir des années 1880. La Filature du Vouldy est exploitée par la société en nom collectif Antuszewicz frères de 1882 à 1893. Venus de Remiremont et proches des grands industriels mulhousiens, Gustave Antuszewicz, négociant, et Paul Antuszewicz, ingénieur des arts et manufactures, louent les installations 50 000 francs par an et versent 35 % des bénéfices. Le contrat évoque une cité ouvrière. Vers 1900, le site est occupé par la Teinturerie de coton Léon Gobinot.
La filature est exploitée de 1905 à 1912 sous la raison sociale Société Anonyme Filature du Vouldy. La SA, au capital de 600 000 francs, est fondée par Mathilde Koechlin, de Belfort. Les huit actionnaires sont originaires de l’Est de la France, à l’exception des Troyens Georges Douine, filateur, et Eugène Lorentz, fabricant de cylindres. Un ouvroir, qui accueille les jeunes apprenties mineures gardées par une surveillante adulte, existe à proximité de l’usine et perdure jusqu’aux années 1960. En 1915, l’activité de filature est poursuivie par Jourdain et Cie, société constituée en 1900 à Wignehies (Nord). En 1919, l’entreprise sollicite Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier, pour rénover et agrandir une cité ouvrière existante, la Cité du Vouldy, projet qui ne se réalisera pas pour des raisons encore inconnues.
En 1958, la société des Tricotages Mécaniques Troyens, fondée en 1941, quitte le boulevard du 1er RAM pour s’installer rue Jean Nesmy où elle produit les articles de marque Mariner et Trois Matelots. En 1946, le siège de la société est transféré à Lille, puis à Lomme, banlieue de Lille, en 1954.
L’usine TMT produit les articles de la marque Guy de Bérac (1972), puis intègre le groupe Armor-Lux (1992). Outre Guy de Bérac, le groupe possède les marques Terre et Mer, Bermudes. En 2005, le site troyen occupe 200 employés : 130 à la production, 70 à la démonstration.
L’usine de plain-pied présente une certaine homogénéité architecturale, mais on peut lire ses diverses extensions à travers les matériaux. Le magasin industriel parallèle à la rue Nesmy est en pan de bois et murs enduits. Les ateliers de fabrication et la salle des machines sont en moellons. Le site est dominé par une cheminée édifiée en 1877.
En 2006, le site est repris par l’OPAC de l’Aube qui souhaite y développer des logements. L’activité et la cinquantaine de salariés sont transférées à Sainte-Savine (ZI Savipol) en 2010. En 2012, l’OPAC devenu Aube Immobilier revend une partie du site à la Ville de Troyes (1,1 million d’euros pour 19 000 m2 dont 8 000 m2 couverts) pour abriter le futur centre européen maille-mode-marques (CE 3M) et les réserves muséales.
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11. Usine de bonneterie Mauchauffée, Troyes
(Cliché Jean-Louis Humbert, mars 1995)
Maurice Mauchauffée (1851-1910) est le créateur à Troyes de la grande entreprise industrielle de bonneterie. Fils de gantier, il s’associe d’abord avec son père, puis crée Mauchauffée et Cie en 1876. Sa firme prospère et devient société anonyme en 1896 au capital de 3,5 millions de francs, porté à 3,7 en 1908, à 5 en 1914. Il dépasse Poron et devient la plus importante fabrique de bas d’Europe : 1 140 salariés en 1897, 3 000 en 1914, dont 2 000 à Troyes. Mauchauffée réside à Paris et dispose de nombreux comptoirs à l’étranger (Londres, New York). Après son décès, son frère Georges dirige la maison jusqu’en 1916. Après sa disparition, il est remplacé par le centralien Firmin Portal.
Aux origines, Mauchauffée dispose d’un petit atelier 26 rue Bégand. Puis, au rythme des opportunités, il agrandit l’emprise au sol de son entreprise et la fait croître verticalement, le terrain n’étant pas suffisant. Dans l’ensemble, le bâtiment compte trois étages carrés et un sous-sol et des cours intérieures, dont celle dite de l’horloge. Les sheds sur treillis dominent. Mauchauffée utilise son initiale comme motif décoratif. L’usine Mauchauffée traduit l’apparition dans l’Aube de la grande industrie en matière de bonneterie. En effet, les nouveaux métiers mécanisés et motorisés demandent beaucoup de place et nécessitent des effectifs accrus. L’usine regroupe sous le même toit toute la filière maille : mécanique, tricotage, teinture et confection, services commerciaux.
Les Établissements Mauchauffée franchissent la crise des années 1930 en se tournant vers le sous-vêtement, tout en restant fidèle au bas. Pierre Mauchauffée, fils de Georges, en assure la direction après la disparition de Firmin Portal (1936). Il est le dernier PDG à porter le nom de la famille. Les difficultés commencent après 1945 avec l’arrivée du nylon qui oblige à un renouvellement du parc des machines excédant les capacités financières de la maison. Celle-ci abandonne finalement la production de bas au profit de vêtements de dessous et de dessus, notamment les maillots de bain. Elle tente de produire pour des marchés en développement : vêtements de ski et d’intérieur, lingerie féminine… mais souffre d’une absence de stratégie. Aussi réduit-elle ses collections et ses effectifs. Après 1964, la firme ne survit que par le négoce et des travaux de sous-traitance jusqu’à la liquidation de biens de 1978.
Le site est alors divisé et occupé partiellement par des entreprises textiles, dont EMO, créée par des anciens de Mauchauffée, et la Nouvelle Bonneterie de Saint-André (NBSA). La majeure partie de l’espace accueille des magasins d’usines et forme dans les années 1980 le premier site de magasins d’usines concentrés (espace Belgrand). Les difficultés d’accès et de stationnement font péricliter le site alors que dans le même temps les producteurs mettent en avant une politique de soldes de marques mise en œuvre dans des centres commerciaux situés dans deux pôles de l’agglomération : Saint-Julien-les-Villas et Pont-Sainte-Marie.
En 1999, une grande partie des bâtiments Mauchauffée deviennent la propriété de l’OPAC de l’Aube. En 2005, celui-ci revend la zone sud à un investisseur rémois qui la revend à un investisseur parisien qui y développe 112 appartements livrés en 2011. En 2005, l’OPAC charge l’architecte troyen Dominique Soret du projet de reconversion de la partie nord. La déconstruction débute en 2007, puis les travaux sont interrompus, avant de reprendre en 2011. Des appartements de type loft et des maisons de ville édifiées à la place d’anciens ateliers sont livrés à partir de 2014 (architecte : Gaëtan Defrance). Dans les bâtiments situés sur la rive est de la rue Bégand, un opérateur privé aménage des logements et des bureaux.
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11bis. Établissements Poron, Troyes
(Cliché Jean-Louis Humbert, mai 1993)
En 1827, Jean-Baptiste Poron-Saussier ajoute au négoce, exercé depuis 1816, l’activité de fabricant à façon dans la bonneterie. Amand et Charles, son cadet, secondent leur père. En 1852, ils fondent la société Poron Frères pour le négoce en gros et la fabrication, principalement sur métiers circulaires. En 1856, ils se lancent dans la mécanique. En 1858, un atelier de construction mécanique est installé 7, rue des Bas-Trévois. Importateurs et constructeurs de machines, les Poron contribuent à la modernisation du secteur textile troyen. En 1862, les Poron achètent la licence de construction du métier Paget. Sa fabrication assure le développement de l’entreprise. En 1872, ils créent, sur un vaste terrain acquis vers 1870, une filature de coton cardé.
En 1878, Amand et Charles s’associent avec leurs fils Léon, Henri et Jules et leur cousin A. Mortier au sein d’une société en nom collectif Poron Frères, fils et Mortier au capital de 600 000 francs. Leur société prend alors véritablement racine rue des Bas-Trévois au long de laquelle elle développe ses installations industrielles (achat de la Teinturerie Journé en 1895) : filature (8 000 broches en 1878), tricotag¬e mécanique (500 métiers en 1878), fonderie de fer, construction de métiers. Toutefois, la maison Poron frères, fils et Mortier combine une organisation du travail qui demeure mixte puisqu’elle emploie 800 personnes sur place (dont 400 hommes) et 1 500 au dehors. L’entreprise mène une politique sociale : habitations, école, orphelinat.
En 1890, Amand et Charles se retirent de l’affaire. Henri reprend la fonderie, tandis que les cousins Léon et Jules Poron se partagent la société. En 1893, Auguste Mortier se retire et cède sa part pour 1 689 000 francs. En 1898, Poron devient société anonyme. La production se diversifie alors par la fabrication de sous-vêtements et de bas standard fabriqués sur métiers circulaires petit diamètre.
Après la Seconde Guerre mondiale, la société produit essentiellement des chaussettes, des sous-vêtements et des maillots de bain. Après le rachat de l’entreprise Herbin en 1965, elle récupère les marques Kangourou, Erby, Trimail, St Hubert. Elle poursuit la fabrication du slip Kangourou jusqu’en 1968. Le développement de la marque Absorba (vêtements enfants), achetée en 1965, incite l’entreprise à céder en 1972 ses ateliers de confection d’articles pour adultes. Elle se rebaptise Absorba en 1977. À la fin des années 1970, Absorba achète Valisère (lingerie féminine) et Moniteur (vêtements de sports d’hiver). La société diffuse de nombreuses marques : Jantzen, Rop, 3 pommes, Vêtements a, Hélanca.
Puis, l’entreprise connaît des difficultés liées au contexte économique général et à la mondialisation des marchés. Elle revend Valisère et Moniteur en 1986-1987. Au début des années 1990, la société et l’ensemble de ses filiales étrangères sont rachetés par le groupe Zannier (marque Z). Roger Zannier abandonne le site historique après l’achèvement de nouvelles installations aux Écrevolles. Le site est acheté par la Ville de Troyes en 1993. Les bureaux accueillent des organismes à vocation économique, tandis que débute la démolition des ateliers (1995). En 1999, la moitié du site est achetée par un investisseur privé qui rase les bâtiments. Il y ouvre le multiplex Ciné City en 2000, puis trois restaurants et un hôtel en 2001. L’architecture de ce dernier reprend le style de celle des anciens bureaux. Ne subsistent de l’usine que les pavillons d’entrée, le socle de la cheminée et quelques pans de murs.
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12. Usine de bonneterie Brelet, Troyes
(Cliché Jean-Louis Humbert, juillet 2004)
Les Établissements Pillot, Bellon et Cie, sont fondés en 1889 rue de la Mission et fabriquent avec succès des articles destinés à l’Amérique du Sud et aux colonies françaises. En 1910, devenus Établissements Pillot, Bellon et Brelet, ils quittent la rue de la Mission pour le faubourg Croncels où ils s’installent dans les locaux de la société Champrenault, Rabanis et Cie, établie sur le site en 1898 après avoir occupé de 1890 à 1897, la manufacture Evrard-Dard, 12, rue Benoît-Malon à Sainte-Savine. Ces locaux, vastes et fonctionnels, sont construits en moellons et briques. Ils comportent côté rue des bureaux dotés de baies en plein cintre. Les ateliers de fabrication, aux pignons percés d’un oculus, montrent un décor en béton. Une nouvelle société Pillot, Brelet et Cie est créée en 1913.
En 1920, elle devient société anonyme au capital de 1 600 000 francs. L’adjonction de métiers modernes à grand rendement fait croître encore sa production qui porte la marque déposée PB. La fabrication est orientée vers la bonneterie circulaire, les bas et chaussettes mailles unies en fil et coton, les sous-vêtements pour hommes, dames, enfants, en coton, fil et laine (gilets, caleçons, camisoles, culottes, brassières, maillots de bain, combinaisons, etc.).
Paul Brelet & Cie réduit son activité vers 1958. La partie de l’usine donnant sur la rue Brossolette est alors occupée par les services du cadastre, tandis que l’atelier donnant boulevard Georges Pompidou continue son activité sous la direction des sœurs Brelet jusqu’en 1967, puis de la SA Rolley & Cie – qui possède l’usine voisine – jusque vers 1990. Il est actuellement occupé par un centre de laser game.
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12bis. La Teinturerie Clément Marot, Troyes
(Cliché coll. particulière)
En 1894, Clément Marot installe un atelier de teinture, annexe de sa bonneterie de la rue Jeanne d’Arc, dans l’usine Douine, rue Simart, puis s’installe rue aux Moines en 1897 dans des bâtiments qui utilisent le béton dans leurs planchers. Les quelques milliers de m2 sont réalisés par l’entreprise d’électricité industrielle A. Morin, 127 rue Notre-Dame et 1 rue Turenne, qui représente à Troyes la société du fer-béton et utilise le système Matrai.
La teinture en noir d’oxydation assure le succès de Clément Marot. En 1904, il se tourne définitivement vers la teinture pour ses anciens confrères de la place. Sa spécialité de noir “diamant” est bientôt connue dans toute la France du fait de ses qualités : beau noir, très régulier, ne dégorgeant pas, changeant peu ou pas au lavage. Cette teinture est réalisée pour le coton sous toutes ses formes : écheveaux, bas, pièces, bobines.
Après la Première Guerre mondiale, la Teinturerie Clément Marot (TCM) occupe plus de 1 000 ouvriers qui se consacrent à la teinture (noir et couleurs), au blanchiment, au mercerisage et à l’apprêtage. L’utilisation d’un matériel perfectionné et breveté permet d’annuler les imperfections dues aux irrégularités du travail manuel. Une centrale électrique dotée de turbines de 800 cv anime les machines. Une installation de chaudières à grilles mécaniques et chargement automatique produit les énormes quantités de vapeur qui sont nécessaires à la marche de ces turbines et au chauffage que demande les opérations de teinture. L’usine Clément Marot devient la plus grosse teinturerie de France pour la bonneterie et crée des filiales en dehors du département de l’Aube et à l’étranger.
La famille Gesp, propriétaire de la Teinturerie de l’Est et de l’Ouest, acquiert l’usine en 1971. Revendue en 1993, elle ferme ses portes en 1997. Les bâtiments sont démolis en 2000, puis en 2004 (chaufferie, atelier “noir”). Ne subsistent sur les quatre hectares du site que les bureaux, totalement vandalisés, et deux châteaux d’eau. Le site doit accueillir à terme les garages de la TCAT.
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13. Halle à la Bonneterie, Troyes
(Cliché Jean-Louis Humbert, juin 2002)
La halle, édifiée en 1837 par l’architecte Portret, est un quadrilatère de pierre d’Étrochey de style classique, dont la façade principale est animée par les voûtes en plein cintre des baies et de l’entrée. Celle-ci est surmontée d’une marquise de fer, déposée en 1889.
La toiture en zinc comprend deux parties dont une formant lanterneau sur la partie centrale du bâtiment, avec sept baies à la base, permettant d’éclairer le premier étage. La charpente en bois est remplacée en 1931 par une charpente métallique lors d’une réfection/transformation du bâtiment.
La Halle aux tissus possède un pendant dans la Halle aux grains, proche de la préfecture. Avec le déclin de la toilerie, sa dénomination change et elle devient Halle à la bonneterie. Ce nouveau bâtiment affirme la place prééminente de Troyes dans cette industrie : l’essai de halle concurrente à Romilly-sur-Seine, instigué par Gornet-Boivin en 1863, est d’ailleurs un échec. Les artisans et façonniers de bonneterie y livrent leur production hebdomadaire aux négociants. Ils disposent de 65 comptoirs dans 16 salles au rez-de-chaussée – autour de la salle des pas perdus – et 4 salles à l’entresol.
Le passage de la bonneterie dans sa phase industrielle fait lentement décliner l’activité de la halle. Les négociants ne peuvent plus rivaliser avec les firmes industrielles qui possèdent des services de commercialisation directe et contrôlent les travailleurs à domicile. Les 109 fabricants de 1859 ne sont plus que 24 en 1904. La halle devient Bourse du travail en 1905. En 1932, la salle des fêtes du premier étage, destinée – depuis le début des années 1900 – à l’organisation de banquets, meetings, expositions…, est réaménagée.
En 2006, après transfert du siège des organisations syndicales dans d’autres locaux, la municipalité restaure l’édifice et entend y développer un projet commercial qui reste en attente de finalisation.
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14. Société industrielle de Bonneterie, Troyes
(Cliché Jean-Louis Humbert, mai 1993)
La Société Industrielle de Bonneterie (SIB), créée en 1903, est la continuation de la Société Joffroy-Damoiseau et Huot, fondée en 1891 pour la construction de métiers et la fabrication de bonneterie. Dans les années 1940-1950, le site accueille aussi la SARL de Tricotages mécaniques troyens (TMT). Un nouvel atelier est édifié au début des années 1960. En 1964, la SIB devient une filiale du groupe Devanlay. Elle ne fabrique plus que de la bonneterie (bas Exciting) avant de fermer ses portes en 1992.
La SIABA (Société immobilière et d’aménagement du Bar-sur-Aubois) acquiert le site. Il comprend des bureaux, des ateliers en rez-de-chaussée avec poutres à treillis, couverts de sheds en tuiles mécaniques et verre et un sous-sol. La façade sur rue est en béton armé et est couverte d’un toit en terrasse. L’OPAC de l’Aube confie le projet de restructuration au cabinet Axis Architecture en 1995. En 1997, Laurent Thomassin livre, au rez-de-chaussée, 500 m2 destinés à des bureaux loués, 24 logements locatifs réalisés en conservant le caractère industriel des lieux, et 43 places de stationnement en sous-sol.
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14bis. La Sainterie, Vendeuvre-sur-Barse
(Cliché Arch. dép. Aube)
L’entreprise est créée en 1842 par Jean-Jules Moynet, dit Léon Moynet (1818-1892) qui la dirige jusqu’en1890. Il utilise les matières premières locales (argile, bois, eau) et la tradition artisanale des tuileries et faïenceries. Il fabrique des statues religieuses et des autels en terre cuite. Il profite de l’ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Mulhouse, du renouveau de la piété et de l’industrialisation de la production (machine à vapeur) qui élargit la clientèle en faisant baisser les prix de vente. La guerre de 1870-1871 efface la concurrence allemande, le clergé cessant ses commandes outre-Rhin par patriotisme. Le site emploie 3 ouvriers en 1859, 80 en 1877.
Après 1890, l’affaire passe à Honoré Nicot, qui en a été jusque-là le comptable. Bon gestionnaire, il fait appel, de 1893 à 1897, au sculpteur Désiré Briden pour renouveler les chemins de croix et faire ainsi face à la concurrence de la fabrique de Vaucouleurs qui domine le marché. La Sainterie produit environ 12 000 statues par an. Les modèles sont exposés dans Le Paradis. Henri Nicot lui succède en 1905. Il doit faire face à la séparation des Églises et de l’État qui amène une baisse des commandes. Gestionnaire et commercial, il multiplie les catalogues, y compris en anglais : la Sainterie exporte alors dans le monde entier. Son épouse assure la direction de l’usine après sa disparition au front en 1918. René Nicot lui succède de 1932 à 1961. Les bâtiments, endommagés pendant la Seconde Guerre mondiale, sont restaurés. René Nicot fait appel à des artistes contemporains pour renouveler les collections : la production évolue du religieux au profane (plaques commémoratives, sujets antiques et historiques, animaux).
Après la cessation de la production de statuaire religieuse, l’activité de la Sainterie survit quelques années sous la raison sociale Le Carreau flammé. Les ateliers de fabrication sont ensuite occupés par un atelier d’huisseries mécaniques, tandis que d’anciennes machines agricoles sont entreposées dans les magasins. Actuellement, le site est dévolu à l’habitat.
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15. Verrerie Marquot, Bayel
(Cliché Arch. dép. Aube)
Le site verrier de Bayel naît au XVIIe siècle des tribulations de Jean-Baptiste Mazzolay, maître verrier vénitien. Il conserve jusqu’en 1789, l’appellation de Verreries royales en cristal et en verre, avant de connaître un lent déclin.
La dynastie Marquot relance l’activité à partir de 1854. Alexis Marquot (1817-1863) oriente la production vers une gobeleterie qui satisfait la grande consommation naissante. Gustave Marquot (1838-1892), puis sa veuve, poursuivent ces fabrications. Ils se maintiennent dans le cadre rural originel grâce au service ferroviaire et développent une vaste usine.
Jusqu’aux années 1960, les Marquot mènent à Bayel une politique paternaliste – logements (300), coopérative, stade de football, société musicale… – autorisée par la prospérité que connaît leur entreprise (un quart de la production française de cristal et de gobeleterie mécanique). Ils perdent le contrôle des verreries à la fin des années 1970. Jusqu’en 2003, les Cristalleries royales de Champagne, passées sous contrôle d’une holding italienne spécialiste des arts de la table, emploient 90 personnes, produisent du cristal pur et de la pâte de cristal et sous-traitent pour les plus grandes marques. La concurrence des pays de l’Est, la désaffection du public pour les arts de la table et le contexte économique morose du marché du luxe, amènent la mise en redressement judiciaire de l’entreprise et de nouveaux licenciements. En 2004, un groupe helvétique acquiert le site et y maintient 55 emplois, avant de se retirer en décembre 2005. Les Cristalleries sont reprises par Haviland, n°1 de la porcelaine de Limoges, propriété de l’homme d’affaires Prosper Amouyal qui contrôle aussi Daum. Les 38 salariés encore en activité n’occupent plus que la partie centrale de l’usine. Pour les bâtiments restants des projets existent qui n’aboutissent pas : Cristallia – pôle de conservation, de production et de création du verre et du cristal -, logements.
En 2011, le site produit pour des marques de champagne (Deutz, Feuillate) ou de l’industrie du luxe (Cartier, Hermès, Vuitton). Distingué par le label national « Entreprise du patrimoine vivant », il reçoit 4 619 visiteurs lors des visites organisées par le musée du Cristal qui est lui-même géré par l’Office de tourisme. Daum Haviland ferme les cristalleries en 2016. Depuis, le musée du Cristal et l’Atelier du Verre maintiennent des visites et des démonstrations.
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15bis. Les Forges Saint-Bernard, Clairvaux
(Cliché Jean-Louis Humbert, juin 2003)
La forge basse de Clairvaux appartient de 1811 à 1859 aux Harlé d’Ophove qui y élaborent de la fonte au bois avant d’adopter le procédé mixte, dit méthode champenoise.
De 1859 à 1873, le site de la forge basse appartient aux du Manoir, aristocrates liés aux Pavée de Vendeuvre. Le vicomte Roger du Manoir y transfère sa forge à l’anglaise de La Villeneuve-au-Chêne et y établit un train de laminoirs venu d’Angleterre. Il transforme et agrandit considérablement les lieux en occupant les deux rives de l’Aube. L’usine utilise l’eau comme force motrice principale et la vapeur en auxiliaire. Elle est mise en activité en 1862 avec 80 ouvriers. La forge consomme 5 000 t de fonte au bois par an, des gueuses importées de Lorraine et 4 000 t de houille venue de Prusse, de Belgique et de France. Elle produit 4 000 t de fer. Son exploitation est affermée à une société Léon Verdy-Royer, puis Royer-Houzelot & Cie.
Après la crise provoquée par l’établissement du libre-échange et le retrait de Roger du Manoir en 1864, Royer-Houzelot poursuit l’activité et achète l’usine en 1873. Reliée au chemin de fer de l’Est, elle s’étend sur 10 ha, dont 5 ha usiniers. Les Forges Saint-Bernard produisent des fers laminés et spéciaux, surtout destinés au chemin de fer. Vers 1880, elles emploient 300 personnes. De nombreux logements ouvriers côtoient les bâtiments d’exploitation : forge, tréfilerie, pointerie, fonderie… En 1876, Royer s’associe avec son gendre dans la société Royer-Houzelot et Ragon, qui devient Royer-Houzelot, Ragon & Cie en 1878, puis H. Ragon & Cie en 1885 et enfin SA des Forges de Saint-Bernard en 1892. La société fait faillite en 1894. Ses installations sont vendues à L. Gasne, qui relance l’activité avec le laminage de profilés spéciaux en acier destinés au bâtiment.
Jusqu’en 2002, les cent employés des Laminoirs de Clairvaux réalisent, par laminage à chaud et étirage à froid, des profilés spéciaux en acier, des charnières pour l’automobile et des fers marchands pour le bâtiment ou la décoration. En 2003, l’usine devient la propriété d’un homme d’affaires marocain qui entend lui donner une nouvelle vie en la transformant en lieu d’exposition d’oeuvres d’art en métal. En 2020, la turbine continue de produire de l’électricité mais les projets artistiques n’ont pas abouti.
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16. Ateliers de la Cie de l’Est, Romilly-sur-Seine
(Cliché Jean-Louis Humbert, mars 2003)
La Compagnie des chemins de fer de l’Est développe à partir de 1882 des ateliers de construction et de réparation du matériel remorqué qui occupent jusqu’à 1 500 personnes. Ils recrutent la population locale et des Alsaciens-Lorrains et concourent à l’expansion de Romilly, jusque-là bourg artisanal de bonneterie. Des cités sont édifiées pour accueillir les employés.
Les installations couvrent 26 ha, dont 6 ha couverts, cachées derrière un mur de plus d’un kilomètre longeant l’actuelle RN 19. Leur ampleur, 150 m sur 100, est justifiée par la taille des wagons. L’usage du bois ne pouvant permettre l’édification d’aussi vastes halles, les architectes de la compagnie recourent à des matériaux industriels : poteaux et poutrelles de fonte et fer, briques, verre des sheds. La disposition des ateliers favorise les étapes successives de la fabrication et de la maintenance des matériels : ajustage, montage, menuiserie, peinture, sellerie… Le site, qui fournit le réseau Est en bois débité, comporte aussi une scierie et un immense parc à grumes, ainsi que des bureaux, une école d’apprentissage, une usine à gaz.
Les ateliers témoignent de l’essor des transports ferroviaires au XIXe siècle. Ils démontrent aussi la crainte qu’inspire le monde ouvrier, puisque Romilly-sur-Seine bénéficie de leur implantation après le refus d’autres communes plus rurales et bourgeoises de les voir installés sur leur territoire (Nogent-sur-Seine, Bar-sur-Aube). Ils accueillent 1 700 personnes et occupent sur le réseau de l’Est le second rang derrière les ateliers d’Épernay.
Ces dernières années, les ateliers assurent la maintenance, la modification ou la modernisation du matériel de la SNCF : voitures Corail, puis, à partir de 2006, rames TGV. Les opérations de rénovation de ces dernières ont nécessité l’aménagement de nouvelles surfaces de travail au sein de l’atelier montage. 654 personnes exercent sur le site 50 métiers différents. Depuis 2019, l’activité est réorientée vers le démantèlement de matériel ancien. Réparation et révision du matériel roulant sont désormais effectuées dans un technicentre installé dans le parc d’activités économiques Aéromia.
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16bis. Les Établissements Protte, Vendeuvre-sur-Barse
(Cliché coll. particulière)
Jean-Baptiste Protte, né en 1815 en Haute-Marne, débute en 1837 une carrière de constructeur mécanicien à Bar-sur-Aube aux grands moulins et à Troyes dans des filatures et papeteries. Dès 1843, il installe une usine de matériel agricole à Vendeuvre à l’emplacement d’une ancienne papeterie. En 1861, il invente une nouvelle machine à battre avec tarare à hélice et manège séparé, avant de perfectionner les locomobiles. En 1869, ses machines sont remarquées par Napoléon III lors du concours régional de Chartres. En 1878, soucieux de fabriquer lui-même toutes les pièces de ses machines, il créée une fonderie. Il perfectionne encore les engins agricoles en mettant au point des machines montées sur ressorts ou des locomobiles couvertes d’une galerie. Il diversifie sa production pour s’adapter aux besoins de mécanisation des entreprises (scieries, filatures…). À sa mort en 1893, son usine est la plus grande entreprise mécanique du Nord-Est.
La raison sociale devient Éts de construction mécanique de Vendeuvre vers 1905, après association avec les Éts Jules Gigault. L’entreprise développe avec succès la fabrication de moteurs pour l’industrie ou l’agriculture. Elle s’implante à Orléans, Lille et Dieppe où est mis au point en 1930 un moteur diesel. La production de machines à battre s’arrête après la Seconde Guerre mondiale. À partir de 1952, elle est remplacée par celle des tracteurs sous la marque Vendeuvre. Acquise par l’américain Allis Chalmers en 1960, l’entreprise ferme ses portes vers 1964, après avoir produit 30 000 tracteurs, répartis en six gammes et 50 modèles.
La menuiserie industrielle Drouot s’installe sur le site à partir de 1968 et agrandit les bâtiments. À partir de 1991, la raison sociale est Menuiserie Simpa. Le site, qui compte environ 600 salariés en 2004, produit des menuiseries en PVC. Il est le siège d’un groupe qui possède d’autres unités de production dans l’Aube (Escao à Lusigny-sur-Barse, Arbat à Torcy-le-Grand), dans la Vienne et dans l’Aveyron. Elles produisent des fenêtres bois, des escaliers, des baies et coulissants aluminium, des portes et volets. Contrairement à Lapeyre, son principal concurrent, Simpa ne possède pas de réseau de vente et distribue auprès des grandes surfaces, des constructeurs et des négociants. En 2006, le groupe, soumis à une forte concurrence, transfère la production des produits bas de gamme en Roumanie. En 2007, en raison de ses difficultés d’approvisionnement, il crée une unité d’usinage du bois au Brésil.
Après quelques années difficiles, le groupe Simpa devient leader français de la fenêtre en bois en 2011. Le site de Vendeuvre demeure son vaisseau amiral avec deux usines (bois et PVC), la logistique, le siège social. Il emploie 312 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 77 millions d’euros, mais ferme en 2014. Il abrite actuellement les Ateliers de Vendeuvre, spécialisés dans la fabrication et l’entretien des dispositifs de transport de déchets nucléaires. La « cathédrale » de 15 m de haut s’étalant sur une surface de 4 000 m2 est sauvegardée.
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17. Grands Moulins Sassot, Nogent-sur-Seine
(Cliché Jean-Louis Humbert, mars 2003)
Les Grands Moulins sont érigés en 1908 par Paul et Léon Sassot, à la place d’installations acquises en 1880 et développées en 1901, mais détruites par un incendie en 1907. Ils enjambent la Seine et développent une façade de 70 m de longueur et de 28 m de hauteur, bâtie de meulière recouverte de briques grises et roses. Leurs planchers sont en ciment armé.
Les moulins sont l’oeuvre de l’architecte romillon Arthur-Charles Clément – par ailleurs auteur de la maison d’habitation des Sassot à Nogent – et de l’entrepreneur nogentais Corcelle. En 1908, la presse spécialisée estime qu’ils constituent la plus belle usine de ce genre existant en France. Avec leurs nouvelles installations qui adoptent le procédé de la mouture à cylindres, les frères Sassot entrent dans l’ère de la minoterie. L’énergie est fournie par des turbines hydrauliques fabriquées par les Établissements Brault-Teisset-Chapron de Chartres. La capacité d’écrasement est de 800 quintaux par jour. En 1919, les Établissements Sassot Frères donnent naissance à la SA des Grands Moulins de Nogent, dont le groupe Vilmain devient majoritaire. La société exploitante prend le nom de Minoteries de l’Est en 1925, puis celui de SA des Moulins de Nogent en 1951, filiale du groupe Vilmain. En 1980, elle devient Société des Moulins Régionaux, rattachée aux Grands Moulins de Paris, puis en 1982, Société Toulousaine de Minoterie – Moulins de Nogent-sur-Seine, toujours dépendante des Grands Moulins de Paris. Les soubassements des moulins sont consolidés en 1988.
Achetés en 1989 par le groupe Bouygues, les Grands Moulins n’ont plus vocation industrielle depuis 1990, année où ils produisent 2 400 quintaux journaliers. Ils sont repris en 1993 par le groupe céréalier Soufflet qui y installe les bureaux de ses divisions malterie et meunerie et supprime les machines qui s’y trouvent.
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18. Silos, Saint-Julien-les-Villas
(Cliché Jean-Louis Humbert, juillet 2004)
La Coopérative de blé de la région de Troyes érige un premier silo en 1937. Dû à Couvret, ingénieur en chef du génie rural, il est inauguré en 1938. Un second silo le prolonge en 1953. En 1971, la coopérative fusionne avec celle de Saint-Parres-les-Vaudes et de Bar-sur-Seine pour former la Coopérative de Production Aube-Champagne (COPAC). En 1978, la COPAC se place sous la tutelle de la Société coopérative agricole de Romilly-sur-Seine et de Méry-sur-Seine (SCARM). En 1993, les deux coopératives deviennent partenaires dans la SCARM-COPAC qui fusionne en 2001 avec la CARB de Brienne-le-Château pour donner naissance à Nouricia, deuxième groupe coopératif céréalier régional.
Le site, devenu friche industrielle, est acquis par une agence immobilière qui engage sa réhabilitation en 2003. La coque du bâtiment est conservée. Vingt logements de type loft sont créés dans les étages. Ils sont livrés bruts de béton ou clé en main avec murs, sols, cloisons, isolation et chauffage (2004). Le rez-de-chaussée est aménagé pour accueillir des activités tertiaires (2005).
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19. Les moulins Notre-Dame et de la Rave, Troyes
(Cliché Jean-Louis Humbert, juillet 2004)
Le Moulin Notre-Dame porte ce nom car il a été la propriété pendant plusieurs siècles de l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains. Moulin à blé, il est converti au moment de la Révolution en papeterie et en moulin pour la fabrication ou le foulage d’étoffe de laine. En 1828, la papeterie est remplacée par la filature de Ferrand jeune et Baudot, dotée de deux roues de côté. Cette activité décline et cède la place à la meunerie. Vers 1840, Samuel Marot remet à neuf le matériel des moulins dont il est locataire. À la suite de l’incendie de 1842, qui anéantit tous les bâtiments, Marot acquiert l’emplacement et fait élever les constructions encore visibles de nos jours. En 1849, il installe deux turbines de 40 et 30 chevaux qui animent treize paires de meules anglaises et un nettoyeur pour la mouture de grains.
Le Moulin de la Rave appartient au Moyen Âge au Chapitre de Saint-Pierre. Il est longtemps employé au foulage des draps, puis à la meunerie. Au XIXe siècle, sous la direction de Ferrand-Neveu, puis de Ferrand-Lamotte, une filature de laine s’ajoute à la meunerie. Vers 1823, Ferrand-Massey fait construire une huilerie hydraulique. En 1843, la filature de 1 300 broches, l’huilerie et les trois paires de meules de meunerie sont actionnées par deux roues de côté. En 1846, l’huilerie est reprise par Jorry-Delaine et la filature est abandonnée. En 1868, une roue fait mouvoir cinq paires de meules et un nettoyeur, une autre commande les quatre presses de l’huilerie. En 1870, les moulins de la Rave sont acquis par Samuel Marot et se tournent vers la meunerie. L’ancienne construction en bois est remplacée, à partir de 1877, par des bâtiments en pierres et briques. La réunion des moulins Notre-Dame et de la Rave crée un des établissements de meunerie les plus considérables de l’Aube.
L’hydraulique joue un rôle prépondérant dans l’industrialisation française du XIXe siècle et s’oppose au système anglais qui s’appuie sur la houille et la machine à vapeur. L’industrie française n’est pas archaïque pour autant : les roues sont de plus en plus performantes sans parler des turbines. Grâce à son réseau de canaux et dérivations très dense, l’hydraulique est longtemps l’énergie gagnante à Troyes au moins jusque dans le second tiers du XIXe siècle, moment où la vapeur se développe.
En 1899, Justin Henry, marchand de grains à Payns, jusque-là locataire des moulins, les acquiert des fils Marot. Vers 1905, il les rénove entièrement en y faisant monter des cylindres, technique alors très moderne. En 1919, son fils Édouard-Étienne Henry prend sa succession. Les moulins passent ensuite à Antoine-Marcel Mahieu, beau-frère d’Henry. En 1951, la famille Mahieu en est toujours propriétaire. Les moulins demeurent actifs jusqu’à la fin du XXe siècle, sous la raison sociale Intermeunerie, puis deviennent la propriété des groupes Nouricia puis Vivescia. En 2019, ils sont l’objet d’un important projet de programme immobilier.
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20 La Malterie de Champagne, La Chapelle-Saint-Luc
(Cliché Jean-Louis Humbert, septembre 2001)
La malterie de La Chapelle-Saint-Luc est fondée en 1883 par Eugène Bonnette, fabricant de malt nancéien qui entend utiliser la production d’orge locale et tirer profit de la proximité de la voie ferrée. La société prend le nom de Malterie de Champagne en 1901. Elle devient Société Anonyme de la Malterie de Champagne en 1908 (capital social : 550 000 francs).
Avant la Grande Guerre, l’usine comprend un bâtiment principal, formant la malterie, le bâtiment des machines à vapeur et des chaudières, un vaste magasin pour l’orge avec un humidificateur, des bureaux, la maison d’habitation du directeur et celle du concierge, un grand parc à l’anglaise, un hangar. La touraille emblématique de l’usine, avec pilastres et linteaux de brique, terminée par une terrasse surmontée d’une cheminée à chapeau tournant, semble être érigée en 1923-1924.
Très endommagée en 1944 et 1945, la malterie poursuit son activité jusqu’en 1976-1977, puis devient jusqu’en 1984 un entrepôt des transports PMV de Reims-Épernay. En 1995, le site est acquis par la ville de La Chapelle-Saint-Luc qui y édifie un musée dédié au patrimoine chapelain. En 2000, les bâtiments de l’usine sont acquis par l’Office public d’HLM Troyes-Habitat. L’architecte troyen Jacques Téqui y aménage des logements et des espaces tertiaires en 2004-2005.
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